Procès de l’attentat de Nice : « Je suis accusé à tort », Ghraieb s’enfonce devant la Cour antiterroriste, la chronique de notre envoyé spécial Michel Zerbib

France.

A la cour d’assises spécialement composée de Paris vendredi, « je ne comprends pas, je me retrouve dans une affaire de terrorisme, accusé de choses grave. » A la barre de la cour d’assises spécialement composée, Mohamed Ghraieb a crié maladroitement son innocence. le Franco-Tunisien a juré qu’il n’a « rien à voir » avec l’attentat dans lequel 86 personnes ont été tuées, et des centaines blessées le 14 juillet 2016 sur la Promenade de Nice Ce proche du terroriste, Mohamed Lahoueij Bouhlel a juré ce vendredi n’avoir « rien vu venir », contrairement à ce que soupçonne la justice. « Je ne savais pas ce qu’il avait dans la tête. » Si Mohamed Ghraieb comparaît, comme deux autres hommes, pour association de malfaiteurs terroriste, c’est, selon lui, la faute à une succession de « coïncidences » troublantes, « des choses de la vie quotidienne qui ont été retournées contre moi ». Ce discours a profondément agacé la Cour et le président Raviot. « Je suis accusé à tort par rapport à la mal interprétation des choses, c’est trop pour moi », a répété à l’envie l’accusé . Mohamed Ghraieb reste pourtant toujours aussi évasif, voire fuyant, lorsqu’il est interrogé par le président de la cour, Laurent Raviot. « A chaque fois qu’on vous pose une question, vous répondez que vous ne vous rappelez pas ou que ce n’est pas important », a fulminé le magistrat. A l’époque des faits, l’accusé était veilleur de nuit dans un hôtel, situé dans le centre-ville de Nice. Cet homme marié mène alors une « vie tranquille » et s’apprête à lancer une activité de chauffeur VTC. Il compte parmi ses « connaissances » Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, rencontré au début des années 2000 dans une salle de sport en Tunisie, d’où sont originaires les deux hommes.

1 278 appels pour les 2 hommes

"Je ne l’ai jamais considéré comme un ami intime, c’était plus par rapport aux échanges de service et le sport, on parlait beaucoup de sport", "Dans ce dossier, il apparaît que vous avez tendance à banaliser votre relation amicale avec lui", a pointé le président Raviot, soulignant que le terroriste l’a aidé à déménager et lui a vendu une voiture. Les deux hommes se sont appelés 1 278 fois au cours de l’année qui a précédé l’attaque. Et le soir du 14 juillet, Mohamed Ghraieb a tenté à dix reprises de joindre Mohamed Lahouaiej-Bouhlel! « Ça fait beaucoup de communications », s’étonne le magistrat. A en croire l’accusé, la plupart de leurs conversations n’avaient « aucun intérêt », Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ne s’intéressant ni à la politique, ni à l’actualité. «On faisait beaucoup de blagues mal placées. Il se moquait de moi, je ne sais pas. Quand il disait quelque chose, il n’était pas sérieux. » Devant les enquêteurs, Mohamed Ghraieb avait admis avoir remarqué un changement dans le comportement du terroriste avant l’attaque. « Les derniers temps, il était silencieux. Ça ne m’a pas vraiment attiré l’attention. J’ai pensé qu’il prenait de la drogue, je n’ai pas compris. C’est quelqu’un, tu ne peux pas vraiment parler avec lui. Je pense que je lui ai dit d’aller prendre des vacances en Tunisie, que ça lui ferait du bien. » La justice, elle, le soupçonne d’avoir été témoin de la radicalisation naissante de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, et d’avoir fermé les yeux malgré des éléments troublants. Il y a notamment cette barbe, que l’accusé feint d’avoir découverte avec surprise. Ou cette conversation sur Daesh en allant à la plage, à laquelle il aurait coupé court.

Des explications « souvent confuses, parfois variables »

Mohamed Ghraieb l’avait d’ailleurs révélé lors de sa garde à vue , Mohamed Lahouij-Bouhlel regardait tellement de vidéos d’exécution que son accès à Internet avait. « Les enquêteurs ont mal compris mes propos. Je parlais de bagarre de rues, de sport de combat, mais pas d’exécutions », affirme l’accusé au président Raviot, qui s’interroge de sa « sincérité ». « On a du mal à s’y retrouver dans toutes ces explications, souvent confuses, parfois variables », résume le magistrat. Plus troublant  : en sortant du travail, le 15 juillet au matin, l’accusé rentre chez lui en faisant un détour par la promenade des Anglais, curiosité ? « Ce n’est pas le trajet le plus court », lui fait remarquer le président de la cour. « Pour moi, c’est mon trajet habituel, il n’y a rien de spécial », réplique Mohamed Ghraieb. Passant près de la plage, il sort son téléphone et se met à se filmer. « Je n’ai pas vraiment d’explication, c’était spontané », ajoute-t-il, assurant que c’est une manière pour lui de « passer le temps ». Sur les images, il affiche une « mine réjouie », note le président Raviot. Et le magistrat de préciser : « Vous avez l’air assez détendu, ça c’est sûr, comme un touriste qui filme une attraction. » L’accusé regrette que cette vidéo ait été « mal interprétée ».

« Ce n’est pas moi qui ai envoyé ces messages »

Cet épisode à présent va finir de confondre l’accusé. En effet Mohamed Ghraieb assure qu’il condamne « le terrorisme et la violence ». Des messages envoyés depuis son téléphone à Mohamed Lahouij-Bouhlel le 10 janvier 2015 attestent pourtant du contraire. Leur auteur se félicite de l’attentat commis contre la rédaction de Charlie Hebdo trois jours auparavant. « Je ne suis pas Charlie, qu’ils aillent se faire e…. », écrit-il, qualifiant l’équipe du journal satirique de « diables qui insultent notre cher prophète ». « Ce n’est pas moi qui ai envoyé ces messages, jamais de la vie », s’est défendu l’accusé. Qui avance une explication pour le moins surprenante : « Je pense que j’ai prêté mon téléphone à quelqu’un de passage à l’hôtel. » Une réponse qui étonne le président Raviot. « Est-ce un hasard que cette personne ait envoyé ces messages à votre ami ? » Mohamed Ghraieb ne « comprend pas » comment cela a pu arriver. Grotesque et irritant. Ghraieb se noie devant la Cour écœurée et devant sa femme qui avait tenté auparavant de le présenter comme un homme sage et pondéré . Monté dans le camion qui servira à l’attentat. Mohamed Ghraieb a reconnu être monté à bord du camion qui servira à l’attentat trois jours avant les faits. En revanche, « jamais de la vie », dit-il, il n’a tenté de fournir une arme au terroriste. Mohamed Ghraieb encourt vingt ans de réclusion criminelle. A partir de mardi, la cour se penchera sur le cas de Chokri Chafroud, Tunisien de 43 ans, en détention depuis 2016, également poursuivi pour association de malfaiteurs terroriste. Michel Zerbib, envoyé spécial de Radio J au procès de l'attentat de Nice

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