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Les routes de la fanatisation des tueurs du père Hamel dans son Eglise ou les incroyables loupés de la lutte antiterroriste, la chronique de Michel Zerbib

France.

Les routes de la fanatisation des tueurs du père Hamel dans son Eglise ou les incroyables loupés de la lutte antiterroriste, la chronique de Michel Zerbib
(Crédit : Twitter)

Avec ces questions qui se reposées :comment de jeunes hommes, de jeunes femmes, souvent en très peu de temps, en viennent à se radicaliser, à vouloir partir en Syrie, à perpétrer une attaque en France en invoquant l’islam ? Cette question hante la société française depuis qu’a commencé la vague d’attentats islamistes qui a culminé en 2015-2016. Elle est aussi centrale au procès de l’attentat de Saint Etienne du Rouvray commis par deux garçons de 19 ans et pour lequel se trouvent dans le box des accusés trois hommes âgés de 19, 21 et 30 ans au moment des faits.

Les auditions de vendredi, au cinquième jour du procès, ont commencé à apporter des éléments de réponse. La matinée a été consacrée à écouter l’agent désigné comme « 562 SI » appartenant à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Il n’était pas dans la salle mais intervenait par un vidéo, bénéficiant pour sa protection, d’un floutage du visage.

Le policier tente d’expliquer le basculement entre deux époques. D’abord celle où de nombreux jeunes sont partis rejoindre le territoire de Daesh dans la zone irako-syrienne que contrôlait le groupe djihadiste. Près de 1 500 ressortissants français – dont un tiers de femmes – sont partis entre 2013 et 2016, auxquels il faut ajouter 900 qui ont tenté de partir sans réussir ce qu’ils appellent leur « hijra ». Car les autorités françaises ont pris des mesures pour enrayer les départs en coopérant davantage avec d’autres États, en particulier la Turquie. Ce qui a abouti à de nombreuses interceptions

L’agent de la Dgsi évoque une nouvelle forme d’action, le « talion », frapper « dans le cœur de l’ennemi » en agissant en France. En 2016, deux courbes se croisent, celle des départs, en baisse, et celle des attaques, en hausse. Les auteurs de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray en sont l’illustration. Adel Kermiche a fait deux tentatives de hijra en 2015. Abdel-Malik Petitjean a fait de même le10 juin 2016, en compagnie d’un des trois accusés présents au procès, Jean-Philippe Steven Jean-Louis. Tous deux ont ensuite discuté d’une nouvelle tentative avec Farid Khelil, autre accusé présent.

Si l’on suit l’agent 562si ce serait : Ressentiment des jeunes gens quant à leur situation dans la société française. Processus de victimisation ; Découverte solitaire et virtuelle de l’islam via Internet ; Fréquentation assidue des réseaux sociaux cryptés qu’utilisent les djihadistes créant un fort sentiment d’appartenance ; Culpabilité de ne pas vivre une vie conforme aux préceptes d’une certaine conception de l‘islam, entretenue à distance par des MANIPULATEURS , basés dans la zone irako-syrienne.

C’est le quatrième accusé du procès était typiquement une cheville ouvrière du « djihad décentralisé » visant à déclencher une guerre civile entre Occidentaux et musulmans. Rachid Kassim sera jugé par défaut, sa mort lors d’une frappe de drone américaine en février 2017 n’ayant pas été confirmée avec certitude.

Son rôle de manipulateur ou d’influenceur s’est aussi exprimé depuis le territoire français. Adel Kermiche s’y est beaucoup livré depuis le domicile de ses parents à Saint-Étienne-du-Rouvray où, depuis le 22 mars 2016, il était pourtant assigné à résidence sous bracelet électronique. L’agent de la direction centrale de la police judiciaire qui a présenté l’enquête vendredi après-midi a diffusé des enregistrements de la voix du jeune homme prônant la tuerie sur la messagerie Telegram. Une voix aux accents enjoués et effrayants un peu comme Abaaoud (procès du 13 novembre) lorsqu’il trainait les kouffars avec son pick up …

Adel Kermiche avait tenté une première fois de rejoindre la Syrie en mars 2015. Intercepté en Allemagne, il était mis en examen à son retour en France pour association de malfaiteurs terroriste et placé sous contrôle judiciaire. En mars 2016, il bénéficie d’une libération conditionnelle, sous bracelet électronique. En apparence, il respecte les conditions imposées et ne fait plus parler de lui, jusqu’à son entrée fracassante dans la petite église de Saint-Etienne-du-Rouvray le 26 juillet en compagnie d’Abdel-Malik Petitjean qui l’avait rejoint trois jours plus tôt.

« Quand on a appris que la juge » avait décidé sa remise en liberté conditionnelle considérant "qu’il était sorti du prosélytisme, (…) on n’y croyait pas une seconde", avait souligné devant la cour d’assises spéciale de Paris Nicole Klein, préfète de Normandie à l’époque. Les services de renseignement locaux l’avaient parfaitement identifié comme « radicalisé » et « dangereux », se rappelle-t-elle. « Mais on ne pouvait rien faire, à part surveiller ses faits et gestes », avait elle admis .

« Adel Kermiche était un nom identifié au sein de l’administration municipale. … On sait que c’est une personne qui veut partir en Syrie. On sait que l’autorité de police et l’autorité de justice le considèrent comme radicalisé », a aussi expliqué jeudi à la barre Hubert Wulfranc, maire de Saint-Etienne-du-Rouvray à l’époque. Mais il souligne qu’on le voyait très peu en ville et qu’aucun élément concret n’avait alors justifié son signalement à l’autorité judiciaire. Voire pour l’enquêteur de la sous-direction anti-terroriste (SDAT) de la police judiciaire:

« Il parlait de mourir en martyr, il ne parlait que de cela, il ne parlait que de Daech », a ainsi raconté un ami proche .

Un de ses co-détenus à Fleury-Mérogis (Essonne), interrogé par le renseignement pénitentiaire, assure lui aussi que « son objectif était clairement le combat et la mort en martyr » et qu’il « nourrissait une grande frustration de ne pas pouvoir rejoindre la Syrie ». Il s’y présente comme un « savant » de la « religion », qui relaie la propagande de l’organisation Etat islamique et justifie ses exactions.

À partir du 17 juillet, il enchaîne les messages violents, appelant ceux qui suivent sa chaîne à agir : « Si vous ne trouvez aucun moyen, alors sortez, prenez un couteau », « Attaquez ici. Tu vas dans une église, tu tranches deux ou trois têtes ».

Le 22 juillet, il entre en contact avec Abdel-Malik Petitjean, lui aussi candidat au départ en Syrie à la recherche d’une cible en France, qui avait déjà transmis le 20 juillet au propagandiste Rachid Kassim une vidéo d’allégeance au groupe Etat islamique (EI).

« Au moment où ils se rencontrent, ce sont deux individus à un niveau égal de radicalisation, au bord de faire quelque chose » et, par ses conseils, Rachid Kassim sera « le catalyseur, l’étincelle qui va provoquer » le passage à l’acte, analyse l’enquêteur de l’antiterrorisme. Un passage à l’acte nazislamiste dans l’Eglise

https://youtu.be/GYCu80eT9ps

Michel Zerbib

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