Une nouvelle stratégie d'Israël face à l'Iran ?

C'est la chaine N12 de la télévision israélienne qui a eu accès à un document interne, soumis récemment à plusieurs hauts responsables politiques et dans lequel des experts chargés de réfléchir à la défense nationale, préconisent un changement total de modèle stratégique pour contrer la menace iranienne. Ce rapport part du constat que si l'on remonte jusqu'à quinze ans en arrière, on voit qu'aucune des opérations militaires ou des guerres menées par Tsahal n'a réussi à annihiler ou à freiner la montée en puissance des organisations terroristes et milices supplétives soutenues par l'Iran, que ce soit au Liban, en Syrie ou à Gaza. S'il est vrai qu'en Syrie, les frappes attribuées à l'armée israélienne contre des installations ou des armements iraniens ont ralenti son enracinement dans le pays, cela n'a pas suffi à forcer l'Iran à quitter le territoire syrien. Au Liban, le Hezbollah n'a plus lancé d'attaque massive contre Israël depuis la guerre de l'été 2006, mais il a continué à renforcer et à améliorer son arsenal de missiles. Et à Gaza, les opérations de Tsahal, en réaction aux tirs de roquettes, n'ont pas permis de désarmer ni de dissuader les organisations terroristes palestiniennes. Sauf que, début août, l'opération "Aube", lancée contre le Djihad islamique n'était pas une riposte, mais bien une initiative de l'armée israélienne. Une action ciblée, limitée dans le temps, avec un objectif spécifique : endommager la puissance de feu de l'organisation palestinienne pro-iranienne et mettre hors combat ses commandants sur le terrain. Ce faisant, c'est un coup porté au dispositif iranien contre Israël. Et c'est en gros l'idée qui sous-tend le nouveau modèle stratégique proposé aux décideurs politiques israéliens. Ne plus être dans la réaction, mais dans l'initiative, et commencer par frapper au plus près, c'est-à-dire, dans le premier cercle autour d'Israël, plutôt que d'aller chercher des cibles lointaines. Ce qui obligera l'Iran à déployer plus d'énergie pour reconstituer ses forces aux frontières immédiates d'Israël, lui en laissant moins pour le cœur de son dispositif, qui deviendra ainsi plus vulnérable. Cette évolution opérationnelle d'Israël devra s'accompagner d'un renforcement des alliances avec les régimes sunnites de la région, eux aussi menacés par l'Iran et d'une coopération accrue avec les puissances occidentales, à commencer par les Etats-Unis. A première vue, rien de vraiment différent de ce qu'Israël pratique déjà, sauf la prise de risque assumée et le message qui sera envoyé vers l'Iran. Jusqu'à présent, le régime de Téhéran reste convaincu qu'il peut user les défenses d'Israël, militaires et sociétales, et que le pays finira ainsi par disparaitre. Israël doit donc inverser la charge, pour persuader l'Iran qu'il ne craint pas de lancer des actions contre les alliés de l'Iran sur ses frontières, et que ces pièces positionnées par Téhéran peuvent être balayées ou au moins sérieusement touchées par Tsahal. Et que la règle "le calme répond au calme", n'a plus cours. Ce n'est probablement pas l'effet du hasard si un tel document interne a fuité vers la presse, au moment où l'on s'approche d'un accord international sur le nucléaire iranien. Les dirigeants israéliens réitèrent leurs inquiétudes sur les termes qui leur paraissent toujours insuffisants. En début de semaine, Yaïr Lapid rappelait au président Macron "qu'Israël ne serait pas engagé par cet accord et continuerait à tout faire pour empêcher l'Iran d'atteindre la capacité nucléaire". Alors pourquoi pas avec un changement de modèle stratégique. [playlist ids="173114"] Pascale Zonszain