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"La charia est au-dessus de la loi des hommes", dit Abrini, la chronique de Michel Zerbib

France.

"La charia est au-dessus de la loi des hommes", dit Abrini, la chronique de Michel Zerbib
(Crédit : Twitter)

C’est un personnage emblématique de cette génération de Molenbeek qui s’est fanatisée vitesse grand V et en écoutant l’individu, on a vite compris qu’il est loin d’être déradicalisé en prison depuis 6 ans. Mais d’abord un mot de l’ambiance déjà électrique de l’audience. D’abord Krayem qui refuse encore de se présenter. Puis la cour a débattu sur le fait de verser, ou non, aux débats une fiche sur un incident qui s'est déroulé la semaine dernière entre Mohamed Abrini et son avocate Me Violleau.

Des gendarmes ont rapporté à la cours avoir entendu des insultes envers eux, lors d'une discussion entre l'accusé, présent dans le box et son avocate, de l'autre côté de la vitre. Allez il faut qu’on avance dit le président Peries.

Mohamed Abrini, chemise blanche aux fins carreaux bordeaux est donc le premier accusé à être interrogé sur son rapport à la religion et son implication dans les attentats. Il revient d'abord succinctement sur ses liens avec plusieurs accusés belges, insistant sur le fait que lorsque ces derniers sont partis en Syrie, ils le faisaient de façon discrète.

Le président va alors le questionner sur son rapport à la religion , sa radicalisation : "Êtes vous radicalisé ? Par rapport à la Charia par exemple ?" poursuit le président. 
"La charria , c’est la loi divine … elle est appliquée en Arabie saoudite." 
"Mais quel est votre point de vue sur la charria", insiste encore le magistrat. 
"Elle est au-dessus de la loi des hommes ; si j’avais le choix , j’irai vivre dans un pays qui l’applique. Monsieur le président , le djihad fait partie de l’islam, c’est pas nouveau … il y a toujours eu un état islamique, ça serait bien que des historiens viennent en parler." Abrini affirme qu’il n’est pas un cadre de Daesh et qu’on veut lui faire porter un costume trop sage pour lui.

L'échange se poursuit sur sa vision de l'État islamique: « Mon petit frère a été tué là-bas, mais je suis fier de lui, car il est allé combattre un régime corrompu.» «Enfin !votre petit-frère Souleymane a appartenu à une katibat qui n'a pas seulement tué des soldats du régime», le reprend vivement le président.

Mohamed Abrini est interrogé sur le contenu des vidéos du groupe État islamique que lui et les frères Abdeslam regardaient au café des Béguines, à Bruxelles.

Puis le président lui demande son avis sur les attentats: «Ceux qui se sont fait exploser, c'est une réponse aux bombardements. À défaut d'avoir un soldat tué sur place, il y a des attentats, c'est tout ce que je pense. (...) Me faire exploser, moi je ne serai pas capable de le faire. Mais je suis capable de prendre les armes, combattre sur place, il n'y a pas de problème.» Et de répéter: «Les attentats sont une réponse à une violence, c'est tout ce que j'ai à dire.»

"Et les personnes sur les terrasses, elles étaient en guerre ?", insiste le magistrat. "Non elles n'étaient pas en guerre", reconnait du bout des lèvres Abrini. "Et les décapitations sur zone ?" enchaine le magistrat. 
"La France aussi a fait des décapitations, vous avez coupé la tête de vos propres rois. La guerre, c'est mourir. Décapité ou tué d'une balle, c'est pareil." "Enfin ce n'est pas la même période", rétorque le juge.
"Un mort, c'est un mort", monsieur le président. 

C’est à l'automne 2014 que la pratique de la religion de Mohamed Abrini connaît un virage: «Je suis passé de quelqu'un qui ne pratiquait pas du tout à quelqu'un qui voulait pratiquer sa religion pleinement.» Le décès de son frère sur zone est un élément déclencheur: «À ma sortie de prison, beaucoup de gens étaient morts en Syrie. Mon petit frère notamment, j'ai vu une photo de lui avec une balle dans la tête. Je voulais partir, pour aller voir sa tombe.» «Pour vivre ma religion pleinement.» L'une des juges assesseurs interroge enfin Mohamed Abrini sur son esprit critique face aux exactions commises par Daech, par exemple les viols de Yézidis: "Vous parlez de viol de femmes yézidies, mais dans toutes les guerres de conquête ca existe Napoléon Alexandre le Grand. J'accepte tout, au même titre que vous acceptez toute l'histoire de France, avec ses pages ombres et lumineuses. » Oui l’individu a du répondant et de la gouaille.

Ca y est l’accusé, bredouille et se soumet aux questions des avocats de partie civile. À la suite d'une série de questions de Me Topaloff, Me Maktouf demande à Mohamed Abrini de citer un livre ou un auteur qu'il a lu à l'époque de sa radicalisation. Ce à quoi il répond, excédé, par d'autres interrogations: "Est-ce que vous avez des pouvoirs divins ? Est-ce que vous avez la possibilité de voir le contenu des poitrines, sonder ce qu'il y a dans le cœur ? Je vais répondre à aucune de vos questions, parce que vous me dégoutez. Vous avez été dire aux hyènes, les médias, que nous étions imperméables à la douleur des victimes.
- Mais vous ne l'êtes pas ? lui dit encore Me Maktouf. Rabrouée par la défense. Les propos de l'accusé font réagir les bancs du public. Bruits qui obligent le président à intervenir:
"Vous montrez une facette qui n'est pas forcément à votre avantage", note le magistrat. Et Me Makfouf de lui lancer au visage : "Je suis fière de dégouter quelqu'un qui me considère comme une apostâte."

Maitre Didier Sebban de la partie civile demande à Mohamed Abrini s'il a un message à adresser aujourd'hui aux victimes: "C'est une drôle de question. Je n'avais pas prévu qu'on me pose ce genre de questions... Tout ce que je peux leur dire c'est que vraiment triste ce qu'il leur est arrivé, bien entendu. Je pense qu'ils ont été doublement victimes. De la politique étrangère de la France et de la politique étrangère de l'Etat islamique. J'aurais besoin de dire aux Français, c'est bien de descendre dans la rue pour les fins de mois difficiles, mais on vit une nouvelle ère, il serait peut-être bien de descendre dans la rue pour contester la politique étrangère. Ce n'est pas nous dans le box, qui les [les victimes] ont privées de leur insouciance."

Michel Zerbib

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