C'est la cinquième fois depuis le début de son mandat, que Reuven Rivlin va se plier à l'exercice compliqué de désigner un candidat pour former le gouvernement. Et c'est aussi probablement l'épreuve la plus difficile qu'il lui reste à accomplir avant la fin de son septennat, puisqu'il doit passer la main en juillet. En Israël, on le sait, le président a un rôle essentiellement honorifique, un peu comme celui du président en France sous la IIIe république.
Seulement, depuis les élections à répétition qu'Israël doit subir depuis deux ans, Reuven Rivlin a dû tirer au maximum sur la marge de manœuvre que lui donne la loi pour tenter de faire sortir un gouvernement viable d'un scrutin confus. On se souvient par exemple qu'il avait forcé la main à Benyamin Netanyahou et Benny Gantz pour qu'ils négocient ensemble la formation d'un gouvernement d'union. Sa première tentative avait échoué en septembre 2019, puis temporairement réussi en mars 2020, enfin jusqu'à la dissolution de la Knesset de décembre dernier.
En fait, le président peut jouer sur son autorité morale, par exemple pour décider les députés à négocier directement un gouvernement d'union nationale. Ce qui parait assez peu probable dans la configuration qui est sortie des élections du 23 mars. Il peut aussi jouer sur le temps. Le président peut désigner un premier candidat recommandé par une majorité de députés pour tenter de former un gouvernement. Ce candidat dispose alors de 28 jours et peut obtenir un délai supplémentaire de 14 jours. S'il échoue, il doit passer la main et le chef de l'Etat doit alors trouver un deuxième candidat, qui lui n'aura que 21 jours devant lui pour remplir sa mission. S'il échoue à son tour, la balle retourne vers les députés. Soit ils parviennent à se mettre d'accord sur un élu qui tentera une dernière négociation, soit ils estiment que c'est impossible et décident alors de dissoudre le parlement et de convoquer de nouvelles élections. Ça, c'est sur le papier.
Parce qu'en fait, il est aussi possible de brûler les étapes. Soit que les candidats renoncent d'eux-mêmes sans attendre la fin du délai dont ils disposent, soit que le président de l'Etat choisisse de renvoyer de lui-même la question vers les députés. Dans ce cas, on pourrait imaginer qu'une cinquième élection ait lieu dès le mois de juillet. Si au contraire, les députés et le président préfèrent jouer la montre face à un nouveau scrutin inévitable, ils laisseront se dérouler tout le processus et décideront finalement de repousser l'élection le plus tard possible, éventuellement en décembre. Pourquoi en décembre ? Parce qu'un mois avant, c'est Benny Gantz qui prendra le fauteuil de Premier ministre, en vertu de l'accord de coalition de 2020, qui est toujours en vigueur.
Tout cela bien sûr dans l'hypothèse où c'est le camp opposé à Benyamin Netanyahou qui conserve le contrôle de la partie jusqu'au bout, même s'il échoue à monter un gouvernement. Et l'un des moyens est d'affaiblir le chef du Likoud en lui faisant aborder les prochaines élections sans être à la tête du gouvernement. Dans tous les cas, les obstacles sur la route d'un nouveau gouvernement israélien n'ont jamais été aussi nombreux.
Pascale Zonszain
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