Le général Herzi Halevi a été clair : la controverse qui divise en ce moment la société israélienne ne doit pas franchir les rangs de Tsahal. Mais la recommandation du nouveau chef d'état-major est plus facile à dire qu'à suivre. Car en Israël, Tsahal, c'est d'abord un concept : le point de rencontre entre l'armée et la société, comme l'a rappelé le général Halévi, ce qui veut dire que tous les enjeux de société la concerne, puisque ses rangs sont formés par les citoyens. Ses soldats et ses officiers défendent leur maison et dans leur maison, le débat est légitime. Pourtant, ce n'est pas en tant que soldats et officiers, d'active ou de réserve, qu'ils doivent y participer, mais seulement en tant que citoyens. Pourtant, on a vu depuis quelques semaines un "mouvement des réservistes" se joindre au mouvement de contestation contre le projet de réforme judiciaire. Ils ont été plusieurs centaines à participer à une marche vers Jérusalem, tandis que l'on a entendu d'anciens généraux et officiers supérieurs exprimer leur opposition à la réforme, parfois dans des termes très durs.
Il faut comprendre qu'en Israël, l'armée du peuple reste une idée forte. Et si ceux qui effectuent des périodes de réserve sont moins nombreux que par le passé, ils sont toujours un élément clé du dispositif de défense en cas de conflit. Et les exemples ne manquent pas, de réponse massive à l'appel, quand le besoin s'en fait sentir, comme cela avait encore été le cas en mai 2021, lors de l'opération "Gardien des murailles". Et si l'on met de côté le cas spécifique de la population ultra-orthodoxe, encore très minoritaire à effectuer un service militaire, toutes les autres catégories de la société israélienne sont représentés. Parmi les conscrits, on trouve par exemple des soldats issus du courant religieux sioniste, dont certains passent par des préparations militaires qui comportent aussi des études religieuses. En 2005, ces soldats, dont certains étaient des habitants des implantations, avaient dû participer au retrait de la Bande de Gaza, où se trouvaient les implantations du Gush Katif. L'état-major de Tsahal avait fait en sorte que ces jeunes appelés ne se retrouvent pas affectés à la sécurisation du démantèlement des implantations, pour ne pas les placer dans une situation impossible.
Cette fois, le problème est différent. Mais il dénote encore de cette tendance israélienne à se définir par catégorie d'appartenance, qu'elle soit ethnique, religieuse, ou professionnelle. C'est toujours cette segmentation sociale en tribus qui marque les Israéliens. Mais elle doit laisser Tsahal en dehors de ce système qui doit demeurer au cœur du consensus. Il serait impensable d'arriver à un point où des réservistes refuseraient de répondre à l'appel, ou d'obéir à un ordre émanant d'une autorité politique dont ils ne reconnaitraient pas la légitimité. Sans oublier le scénario, encore plus sensible, où l'armée se retrouverait en porte-à-faux entre un ordre de l'exécutif et un contrordre de la Cour Suprême, comme conséquence de la réforme. Car là, ce serait une incursion de la politique dans le fonctionnement de Tsahal, qui ne peut avoir qu'une seule chaine de commandement. Il faut donc que les réservistes soient des citoyens quand ils manifestent et des soldats quand ils défendent leur pays. Et pour cela, les politiques doivent veiller à laisser Tsahal en dehors de la polémique.
Pascale Zonszain
Tsahal, l'armée du peuple hors du débat
Israël.
Publié le 24/02/2023 à 08h47 - Par Gabriel Attal
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