Pourquoi la reine Elizabeth II ne s’est-elle jamais rendue en Israël ?

Alors que l'histoire de la famille Windsor a été marquée par l'antisémitisme, Elizabeth II ne s'était jamais rendue en visite officielle dans l'État juif. La souveraine fut sans doute la Britannique qui a le plus voyagé au monde, faisant des milliers de kilomètres sans passeport puisqu'elle en est exemptée. Lors de ces périples officiels, Elizabeth II a tout vu et a connu les mauvaises et les bonnes surprises. Elle a visité toutes les anciennes colonies britanniques, du Commonwealth … à l'exception d'Israël. Le séjour en Israël et dans les territoires palestiniens en 2018 du Prince William fut en fait une première pour un membre éminent de la famille royale. Mais cette visite de son petit-fils nous avait remis en mémoire l'attitude ambiguë d’Elizabeth II envers Israël et, au-delà, envers la communauté juive britannique, la deuxième plus importante d'Europe après celle qui vit en France.

La famille ne peut être soupçonnée d’antisémitisme mais…

La famille royale ne peut être soupçonnée d'antisémitisme, puisqu'elle est au-dessus des religions, des races, des classes sociales. Mais il est vrai que la souveraine a toujours été proche de la haute aristocratie protestante. Son cercle le plus proche, ses dames de compagnie, était constitué exclusivement de membres de la plus haute noblesse. En Angleterre, la communauté juive (comme au demeurant les Catholiques) n'a jamais été vraiment proche du Palais. Certains des membres de la famille Windsor, comme la princesse Margaret ou même la reine mère, ont tenu en privé des propos limites sur les Juifs. Lors de son divorce avec le prince Charles, la princesse Diana, elle aussi aristocrate de haute lignée, a reconnu que son avocat avait été le premier Juif qu'elle avait côtoyé. Dans ce royaume où la communauté juive a joué pourtant un rôle de premier plan, aucun Juif n'a jamais été nommé à l'un des postes de commande de Buckingham Palace.

La relation avec Israël réduite au minimum. Quelques explications.

Les conditions dramatiques de la naissance d'Israël, en 1947, ont également fortement marqué les Windsor, très liés aux royautés du Proche-Orient, en particulier l'Égypte, l'Irak et la Jordanie. Ce panarabisme était aussi une réaction à la déclaration Balfour de 1917, qui avait jeté les prémisses  de la création d'un État juif en Palestine mandataire. Les attaques des organisations juives (au moment de la guerre de l’Indépendance), notamment  de l'Irgoun, contre des militaires britanniques entre 1945 et 1947, avaient été très dures. En particulier l’attentat de l'Hôtel King David (91 morts en juillet 1946), qui servait de QG à l'armée britannique en Palestine, avait provoqué la colère du  roi George VI, chef des armées. La reine Elizabeth II, montée sur le trône en 1952, n'a jamais digéré comment son Premier ministre, Anthony Eden, lui avait caché les préparatifs de la calamiteuse opération franco-anglo-israélienne de Suez, en octobre 1956.

Alice de Grèce mère du duc d'Edimbourg mari de la reine, Juste parmi les Nations

Jusqu'à la visite du prince William en 2018, les Windsor avaient limité au minimum leurs contacts avec Israël. Néanmoins, le prince Charles, héritier au trône, avait assisté aux funérailles de l'ancien Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, en 1995 mais sans porter l’uniforme officiel de la monarchie (comme une sorte de voyage privé on officiel). Mais surtout le duc d'Édimbourg, époux de la reine, était allé se recueillir sur la tombe de sa mère, Alice de Grèce, sur le mont des Oliviers. Lors de cette visite, le prince Philip avait visité le mémorial de Yad Vashem dédié aux victimes de la Shoah, où sa mère avait été honorée de Juste parmi les Nations pour avoir aidé des victimes des persécutions juives en Grèce. Michel Zerbib