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Le syndrome israélien de l'Union européenne, la chronique de Shmuel Trigano

Israël.

Le syndrome israélien de l'Union européenne, la chronique de Shmuel Trigano
(Crédit: DR)

Dans sa dernière chronique ce jeudi matin à 7h06 sur Radio J, le sociologue et philosophe Shmuel Trigano est revenu sur la fin de mandat d'Angela Merkel et sa tournée d'adieu en Israël.

La visite d'adieu que la chancelière Merkel a effectuée en Israël avant de se retirer d'une longue séquence de pouvoir est très significative. Elle témoigne d'abord de l'importance attachée à Israël par l'Allemagne. La chancelière ne fait de tournée d'adieu qu'auprès de grandes puissances...

Ce n'est pourtant pas la puissance que Angela Merkel est venue visiter mais la mémoire de la Shoah. On l'a toujours sentie très concernée par la charge de la culpabilité qui pèse sur l'Allemagne, ce qui explique sa relation privilégiée à Israël. Cependant, si le séjour s'est bien déroulé, les derniers moments ont été marqués par une note dissonante lorsque Merkel a dit son soutien à un Israël  démocratique qui mettrait en œuvre le modèle de "Deux peuples-deux Etats". Dans ses termes mêmes: "je suis en faveur d'un Etat démocratique juif mais cet Etat doit être assuré à long terme. Dès lors qu'Israël a droit à son Etat, les Palestiniens ont le droit de vivre (sic) et de fixer leur destin". En somme, l'avenir "démocratique" d'Israël dépend de l'existence d'un Etat palestinien. Remarquons l'accent sur "démocratique" et l'étrange idée que la "vie" des Palestiniens serait ou est déjà en danger. On sent derrière ces circonlocutions l'imputation d'"apartheid"... La boucle serait alors bouclée, car l'apartheid est un des synonymes politiquement corrects de "racisme", de "shoah". Cet apparentement pose question. Faut-il y entendre une reconnaissance sous condition d'Israël? Quel rapport entre cette reconnaissance et l'apologie de la création d'un Etat palestinien?

Nous touchons là au point sensible de la politique européenne mais aussi de la politique américaine. Sur fond de la mémoire de la Shoah, l'Occident se sent en effet coupable de l'existence d'Israël dont l'existence même aurait provoqué le malheur palestinien: la Shoah sur fond de Nakba en quelque sorte. En somme, la culpabilité découlant de la Shoah, qui pèse sur l'Europe coupable du génocide de 6 millions de Juifs, nourrit, certes, un intérêt spécial pour Israël mais surtout un sentiment de dette envers les Palestiniens qui oblige l'UE, sans aucune considération d'opportunité ou de stratégie, comme l'impératif venu de son inconscient. Ce sentiment provoque en retour un impératif lancé à Israël, sommé d'ajuster son comportement à son statut d'Etat sous caution humanitaire plutôt qu'investi de souveraineté. Les Européens voient (erronément) en lui le campement humanitaire des rescapés de la Shoah et c'est la condition de leur reconnaissance de l'Etat: pour raison humanitaire. Seulement, il y a une condition à cette reconnaissance culpabilisée qui exige qu'Israël ne sorte jamais de son rôle de "victime de la Shoah", qu'il n'exerce jamais sa souveraineté pleinement. C'est l'intention de l'argument de "proportionnalité" invoqué au Conseil de sécurité par la France et par l'opinion occidentale, pour brider le droit d'Israël à la légitime défense en vertu de l'innocence de principe des Palestiniens. "Comme vous n'êtes pas légitimes dans le principe, vous avez devant vous non des ennemis qui projettent de vous détruire mais des victimes dont vous êtes responsables et envers lesquelles vous êtes redevables. A la rigueur une opération de police devant des civils désarmés serait possible mais pas une réaction militaire contre un ennemi qui veut vous détruire".  

Et cela marche! Tout nous dit que depuis plusieurs années Tsahal a perdu la volonté et le projet de vaincre l'ennemi. Gaza et le Hezbollah font peser un danger mortifère sur Israël. 

Pour nous résumer le syndrome de l'UE est fondé sur une culpabilité européenne reportée sur Israël sur la base de l'équation "Israël-compensation de la Shoah". Cette équation engendre une autre: "Israël=Nakba". Puis, ces deux équations engendrent un double impératif: celui qui pèse sur l'Europe à destination d'Israël, et celui qui pèse sur Israël à destination des Palestiniens. Quand cette logique ne se vérifie pas, l'équation s'inverse: Israël est alors assimilé aux Nazis et les Palestiniens aux Juifs des camps tandis que l'Europe coupable devient un observateur désolé et très "moral" de ce drame. Les habits militaires d'Israël, sa dimension d'Etat souverain, doivent être portés en quelque sorte sous le pyjama rayé...

Cette vision des choses met Israël en position de faiblesse radicale. C'est là où l'on voit que la mémoire européenne de la Shoah n'est pas ce qu'est (devrait être) la mémoire juive et encore moins israélienne (il y a en effet là un autre problème car Israël n'est pas toujours à hauteur de soi de sorte que la confusion règne). 

L'UE comme les Etats Unis, avec leur formule magique "Deux peuples, deux Etats", entraînent Israël dans une impasse pour son existence même. C'est en fait une pétition de principe qui échappe à toute rationalité et à tout réalisme sur le plan stratégique et sur celui  de l'intention déclarée et visible des premiers intéressés, la Palestiniens. L'"Etat de Palestine" sera un Etat irrédentiste qui ne se contentera pas d'un bout de territoire et qui soulèvera les populations palestiniennes en Israël, en Jordanie et plongera Israël dans une situation de grande fragilité. La débandade honteuse des Américains en Afghanistan nous montre qu'à cette heure fatale Israël se retrouvera seul face à son destin...

Shmuel Trigano

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