Yaïr Lapid a renoncé à l'effet de surprise. Jeudi soir, les Israéliens qui ont écouté son allocution qui coïncidait quasiment avec le début du JT de 20h, savaient donc déjà depuis 24 heures, ce que leur chef de gouvernement allait annoncer. Et en particulier donc, sur le dossier palestinien. "Un accord avec les Palestiniens, fondé sur deux Etats pour deux peuples, c'est la bonne chose à faire pour la sécurité d'Israël, pour l'économie d'Israël, pour l'avenir de nos enfants". La phrase annoncée et attendue a donc été prononcée, à la tribune de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Yaïr Lapid n'aura pas été le premier, puisque Benyamin Netanyahou l'a fait avant lui et devant la même institution. Les conditions posées par le chef du gouvernement israélien n'ont pas non plus de caractère inédit : Yaïr Lapid a réclamé que ce futur Etat palestinien soit pacifique, qu'il ne devienne pas une base terroriste qui menace le bien-être et l'existence du pays et qu'Israël conserve la capacité de défendre ses citoyens.
Ce qui est nouveau, c'est que ce concept de règlement du conflit avait quasiment disparu du débat public en Israël depuis près de dix ans, et que l'on s'était peu à peu habitué à la notion de gestion ou de réduction du conflit. Le terrorisme des années 2000 est passé par là, l'isolement progressif des deux populations, avec la construction de la barrière de sécurité entre le centre d'Israël et la Judée Samarie, puis avec le retrait unilatéral de la Bande de Gaza. Deux entités palestiniennes distinctes géographiquement et politiquement se sont installées, les territoires autonomes de Cisjordanie administrés par l'Autorité Palestinienne, et la Bande de Gaza, qui est passée sous le contrôle du Hamas en 2007.
Même si Yaïr Lapid ne l'a pas dit expressément, c'est bien aux territoires autonomes contrôlés par l'Autorité Palestinienne qu'il songe, et pas à la Bande de Gaza, quand il parle d'Etat palestinien. Si tant est que ce projet redevienne envisageable, le territoire côtier tenu par le Hamas reste considéré comme une entité à part avec son propre système et surtout son propre arsenal. Mais pour en revenir au pari de Yaïr Lapid de ramener la question d'un Etat palestinien à l'ordre du jour, cela ne trouve guère d'écho auprès des populations concernées. Un sondage réalisé jeudi pour la chaine N12 constatait que 49% des Israéliens sont opposés à un Etat palestinien et que seulement 26% y sont favorables. Loin donc, de la majorité contrairement à ce qu'affirmait Yaïr Lapid dans son allocution. Et les perspectives ne sont pas plus encourageantes côté palestinien, où un sondage récent enregistrait seulement 37% de Palestiniens favorables à la solution à deux Etats, contre 60% qui s'y déclarent opposés.
On peut alors se demander pourquoi le Premier ministre israélien a remis le sujet sur la table. Le calcul politique ne fait guère de doute, à un mois des élections. Yaïr Lapid peut espérer grappiller des voix sur sa gauche, mais aussi chez les électeurs de Benny Gantz qui trouveraient sa nouvelle liste trop droitière. Mais il ouvre aussi un boulevard au bloc de droite formé autour du Likoud, qui pourrait aussi rallier à lui les électeurs religieux sionistes libéraux, inquiets d'une future coalition qui mettrait un Etat palestinien sur son programme politique. Yaïr Lapid a pris un risque, mais il devrait au moins réveiller le débat entre les pour et les contre, et ce n'est jamais mauvais dans une démocratie.
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Pascale Zonszain
Etat palestinien : vision ou calcul politique de Yaïr Lapid ?
Israël.
Publié le 23/09/2022 à 08h57 - Par Gabriel Attal
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