Retour sur la décision du Conseil Constitutionnel sur la loi immigration, chronique de Samuel Fitoussi

France.

Retour sur la décision du Conseil Constitutionnel sur la loi immigration, chronique de Samuel Fitoussi
L'essayiste et chroniqueur au Figaro, Samuel Fitoussi - DR

Samuel Fitoussi, essayiste et chroniqueur au Figaro, est revenu ce lundi à 7h20 sur Radio J sur la décision du Conseil Constitutionnel sur la loi immigration. 35 des 86 articles de la loi ont été retoqués dont presque tous les amendements proposés et obtenuspar la droite (durcissement de l'accès aux prestations sociales pour les étrangers, restriction du reroupement familial, fin de l'automaticité du droit du sol). La plupart des amendements a été fondée au nom de l'article 45 de la Constitution. Cet article stipule que tout amendement est recevable dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé. Le Conseil Constitutionnel a donc jugé que le regroupement familial ne possède aucun lien, même indirect, avec le contrôle de l'immigration. Que les règles d'acquisition, de déchéance de la nationalité ne possèdent aucun lien avec l'immigration. Il s'est appuyé sur une lecture extrêmement large de l'article 45 pour censurer les dispositions qui allaient dans le sens d'une plus grande fermeté migratoire, une lecture que de nombreux spécialistes contestent, dont Jean-Eric Schoettl, l'ancien secrétaire général du Conseil Constitutionnel. 

Cela pose un triple problème démocratique parce qu'un texte souhaité par 70% de la population et résultant de compromis entre élus dans les deux Chambres se retrouve censuré par 9 Français non élus, qui semblent interpréter la Constitution à la faveur de leurs préférences idéologiques. Problème démocratique ensuite car c'est finalement un texte rejeté à l'Assemblée qui entrera en vigueur. De fait, le projet de loi initial, vierge de tous les amendements obtenus par Les Républicains, avait fait l'objet d'un vote et avait été rejeté. D'ailleurs la méthode d'Emmanuel Macron interroge : conclure un accord avec la droite pour éviter le rejet du texte puis obtenir du Conseil Constitutionnel qu'il annule toutes les concessions faites à la droite. Pas très respectueux de l'esprit de nos institutions ni du choix exprimé par les Français lors des élections légistatives et scénatoriales. Problème démocratique enfin car ce jugement entérine encore un peu plus l'impuissance du pouvoir législatif, affaiblissant son droit d'amender des projets de loi, réduisant son rôle à celui de chambre d'enregistrement de la volonté du pouvoir exécutif.

Est-ce que contester la décision du Conseil Constitutionnel équivaut à remettre en cause l'Etat de droit ? 

Absolument pas. Ca n'est pas l'institution que certains contestent mais la décision rendue par ses membres. Ses membres sont des êtres humains donc faillibles qu'il est de notre devoir de scruter l'impartialité. Tout comme on peut critiquer les actions d'un policier sans remettre en cause l'existence de la police, on peut critiquer les décisions de Laurent Fabius sans remettre en cause l'Etat de droit. D'ailleurs, c'est le Conseil Constitutionnel, lorsqu'il invoque abusivement la droit de faire de la politique, qui dévoie l'Etat de droit tandis que c'est ceux qui critiquent ce dévoiement qui défendent l'Etat de droit. A tous ceux qui estiment qu'il est populiste d'interroger une décision populaire, considèrent-ils qu'aux Etats-Unis le parti démocrate conteste l'Etat de droit lorsqu'il s'indigne de l'arrêté de la Cour Suprême interdisant l'avortement ? 

Il faut garder un oeil très attentif sur le pouvoir exécutif qui risque à tout moment d'empiéter sur le pouvoir judiciaire. On oublie que cela marche dans toutes les Républiques et directions. Le pouvoir judiciaire, s'il utilise le droit comme prétexte pour faire de la politique, empiète sur les autres pouvoirs tandis que le pouvoir exécutif, s'il utilise le pouvoir judiciaire pour affaiblir le pouvoir législatif, empiète lui aussi sur les autres pouvoirs. D'ailleurs, lorsque c'est le pouvoir exécutif qui désigne un tiers des membres du Conseil Constitutionnel, dont souvent des individus qui n'ont pas la moindre expérience juridique, n'y a t-il pas déjà un problème de séparation des pouvoirs ?...

Gabriel Attal

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