Les incidents qui ont perturbé des prières de rues à Tel Aviv sont très regrettables, mais pas vraiment surprenants. Depuis des mois que le débat public se détériore et se polarise, c'était prévisible. Et en même temps, cet épisode est resté très marginal. On en a vu quelques autres manifestations notamment à Haïfa, mais dans la quasi-totalité du pays et dans les localités et quartiers à majorité non religieuse, le jour de Kippour s'est déroulé dans le calme, comme tous les ans. Il y a des non pratiquants qui vont à la synagogue, certains toute la journée, d'autres seulement pour la fin de la prière. Il y a ceux qui profitent des routes sans voiture pour accompagner les enfants faire la course à vélo, skate ou rollers. A ce propos, si les Israéliens laissent leur voiture au garage le jour de Kippour, ce n'est pas parce qu'ils y sont obligés par la loi, mais simplement parce que c'est un usage qui s'est imposé au fil du temps. Les religieux de toute façon ne prennent pas la voiture et les autres se sont dit qu'ils pouvaient en faire autant un jour par an. Un exemple d'accord non écrit, qui profite à tout le monde.
C'est l'organisation de prières en plein air, où les hommes et les femmes étaient séparés qui a déclenché des incidents. Et l'association qui en est à l'origine a son agenda politique, qui ne se limite pas à aider les non pratiquants à découvrir le judaïsme. D'ailleurs à Tel Aviv, cela fait des années qu'il existe des initiatives non politiques, pour permettre aux laïcs de suivre un office de Kippour, sans être impressionnés par le décorum d'une synagogue. Ce n'est pas tout à fait ce qu'avait en tête l'organisation Rosh Yehudi, en choisissant de tenir une prière séparée sur la place Dizengoff. Et ça a fonctionné, puisque cela a fait l'effet d'un chiffon rouge agité sous le nez des militants laïcistes, ou même de ceux qui ont déjà l'esprit enfiévré par neuf mois de débat autour de la réforme judiciaire.
Ces incidents ont été ressentis avec un immense sentiment de gâchis et de tristesse chez beaucoup d'Israéliens. On ne reviendra pas sur les déclarations des politiques, sauf peut-être pour rappeler celles du président israélien qui exhorte pour la énième fois les deux camps à cesser leurs déclarations incendiaires avant qu'il ne soit trop tard. Mais on citera ce sondage publié juste avant Rosh Hashana par le journal Makor Rishon et l'association Tsoar. D'où il ressort que les divisions se sont creusées ces derniers mois, à l'intérieur de la société israélienne. 49% des laïcs estiment que leur opinion sur les ultraorthodoxes s'est dégradée depuis le début de l'année. 23% des laïcs, des traditionnalistes et des ultraorthodoxes ont une image détériorée des religieux nationalistes. Et la proportion est encore plus forte dans la classe des plus de 65 ans. S'il est vrai qu'Israël est dans son ensemble plus traditionnaliste qu'il y a une vingtaine d'années, cela ne signifie pas pour autant que la société soit prête à opter pour un mode de vie religieux. Toujours selon le sondage de Makor Rishon, 64% des Israéliens sont pour le fonctionnement des transports publics pendant le Shabbat. Voilà exactement pourquoi il ne faut pas réduire le débat sur l'avenir d'Israël à des positions seulement radicales.
Pascale Zonszain
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