La rébellion du groupe Wagner change-t-elle la donne dans les relations Israël-Russie ?

En Israël comme ailleurs, on n'avait pas anticipé le coup de force d'Evgueni Prigojine, ni qu'il irait jusqu'à menacer directement Moscou. Tous les médias ont suivi heure par heure l'évolution de la crise, jusqu'à l'annonce du compromis qui mettait un terme à la marche des mercenaires du groupe Wagner sur le Kremlin. Mais en Israël aussi, le diagnostic qui se dessine sur cet épisode, c'est un affaiblissement du pouvoir de Vladimir Poutine et la déstabilisation durable de son régime. Ce qui pose pour Jérusalem un certain nombre de questions. D'abord, vis-à-vis de la guerre en Ukraine. Le parti-pris de neutralité d'Israël, choisi par le précédent gouvernement Bennett-Lapid et poursuivi par celui de Benyamin Netanyahou, devient de plus en plus difficile à tenir. Depuis le début de l'invasion russe il y a bientôt un an et demi, Israël a refusé d'envoyer du matériel de défense à l'armée ukrainienne, en dépit de ses demandes répétées. Et Israël s'est également tenu à l'écart de la coalition occidentale qui a choisi de soutenir Kiev. Si le gouvernement israélien a acheminé de l'aide humanitaire à la population ukrainienne et est en train d'installer dans les localités ukrainiennes son dispositif d'alerte aux bombardements, qui devrait être opérationnel d'ici le mois de septembre, il a en revanche constamment rejeté les demandes de l'Ukraine de lui livrer des batteries de défense antiaérienne Dôme de Fer, contre les tirs de missiles russes. Ce choix de neutralité d'Israël dans le conflit ukrainien tient évidemment à ses propres contingences stratégiques. Depuis 2015, c'est la Russie, qui, à la demande de Bashar al Assad, a pris le contrôle de l'espace aérien de la Syrie. Ce qui oblige Israël à ménager le Kremlin, s'il veut conserver sa liberté d'action en Syrie contre l'enracinement de l'Iran. Et Jérusalem veut éviter que Moscou se rapproche trop de Téhéran, même si l'Iran est devenu un acteur à part entière dans le dispositif militaire contre l'Ukraine, puisqu'il fournit l'armée russe en drones qui attaquent les villes ukrainiennes. Sans oublier qu'Israël doit aussi prendre en compte le sort de la communauté juive en Russie et veiller à permettre aux Juifs russes de faire leur alyah, alors que le contentieux autour de la fermeture de l'Agence Juive en Russie n'est toujours pas réglé. Et c'est toujours la communauté russe qui forme l'essentiel de l'immigration vers Israël. Israël maintiendra ses relations avec la Russie, mais avec plus de vigilance sur le comportement de Vladimir Poutine. Va-t-il modifier sa stratégie au Moyen-Orient ? Comment va-t-il faire évoluer le conflit en Ukraine ? Quelles répercussions de l'intégration des mercenaires du groupe Wagner dans l'armée régulière russe ? Le chef du Kremlin va-t-il resserrer encore ses liens avec l'Iran ? Et que lui promettra-t-il en échange de nouvelles armes ? Ces questions sont présentes chez les dirigeants israéliens depuis le début du conflit en Ukraine. Elles vont devenir encore plus complexes et pressantes avec un Vladimir Poutine affaibli et peut-être le dos au mur. Pascale Zonszain