Politique à l'école ?

Israël.

On ne voit pas tous les jours un chef de gouvernement sortant acheter de l'espace publicitaire dans la presse pour publier des appels à la société civile. C'est pourtant ce qui se passe en Israël avec la lettre ouverte que Yaïr Lapid a adressée aux élus locaux, contre la réforme annoncée des activités périscolaires. Alors de quoi parle-t-on exactement ? Jusqu'il y a une trentaine d'années, l'ensemble des matières enseignées dans l'enseignement public en Israël, l'était par les professeurs. Depuis le début des années 90, deux changements sont intervenus. D'abord des coupes dans le budget de l'Education et l'entrée de plus en plus de femmes dans la vie active. Ce qui voulait dire, moins de moyens pour enseigner, mais besoin d'assurer des journées longues pour les élèves qui ne pouvaient plus rentrer chez eux l'après-midi. C'est ainsi qu'a été mis en place par le ministère de l'Education un programme d'activités périscolaires, confié à des associations et organisations extérieures chargées d'enseigner des matières complémentaires aux élèves. C'est le ministère de l'Education qui établissait une liste des organisations agréées, dont les activités étaient subventionnées par le ministère. Tout le monde s'y retrouvait : le ministère de l'Education à qui cette externalisation des activités coutait moins cher, les établissements scolaires qui pouvaient compléter leur programme et les parents qui savaient que leurs enfants ne passeraient pas l'après-midi dans la rue. Sauf que, ces enseignements, qui ne concernent pas les matières générales, se sont progressivement politisés. On pense aux associations LGBT invitées à donner des conférences sur les droits des minorités et les études de genre, mais aussi aux associations qui font la promotion de l'orthodoxie religieuse. Et cela dépend aussi de la couleur politique du ministre de l'Education, qui va favoriser telle tendance contre telle autre. Les écoles restant libres de choisir leurs enseignants extérieurs, mais en sachant que certains ne seront pas ou peu subventionnés par le ministère. Et désormais, s'ajoute un problème supplémentaire, puisque ces activités périscolaires vont être sorties du ministère de l'Education, pour être placées sous l'autorité d'un ministre délégué auprès du Premier ministre, Avi Maoz, qui en définira les sujets, les organisations agréées et les subventions. Et le leader du parti Noam ne cache pas son agenda ultranationaliste et religieux orthodoxe. C'est ce qui a déclenché la levée de boucliers à laquelle on assiste depuis quelques jours avec la réaction d'une cinquantaine d'élus locaux et de plus de 200 directeurs d'établissements qui refusent de se soumettre à la réforme annoncée, et qui ont donc obtenu le soutien du Premier ministre sortant et futur chef de l'opposition israélienne Yaïr Lapid. C'est surtout le télescopage des relations entre la religion et l'Etat qui est au cœur de la polémique. On constate d'ailleurs que ce sont majoritairement dans les agglomérations laïques et libérales que le mouvement d'opposition est le plus fort. Mais cela va aussi se doubler d'un aspect socio-économique. Dans les localités les plus riches, les comités de parents d'élèves et les municipalités auront les moyens de subventionner des activités périscolaires libérales à la place de l'Etat. Dans les localités de la périphérie, les écoles n'auront pas d'autre choix que de prendre les activités subventionnées par l'Etat. Un casse-tête de plus pour Benyamin Netanyahou, avant même d'avoir bouclé la formation de son gouvernement. Pascale Zonszain

pzoom051222

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