Jean-Luc Godard, grand cinéaste était-il « seulement » antisioniste ?

Le cinéaste a toujours entretenu une relation particulièrement problématique avec les Juifs et Israël, au point que certains ont voulu y voir un antisémite et assurément un antisioniste affirmé. Quelques éléments de réponses pour un cinéaste célébré partout dans le monde ce mardi à l’annonce de sa mort à 91 ans.

Dans un film sur Godard de 2006 des propos effrayants « les juifs comme des moutons… »

Dans un film d’Alain Fleischer en 2006 Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard, le cinéaste franco-suisse aurait tenu des propos très polémiques à l'encontre des juifs, en partie écartés au montage, dont certains sur les deux films de Claude Lanzmann Shoah et Tsahal. Dans un roman intitulé Courts-circuits, Alain Fleischer raconte qu'en aparté, lors d'une pause, Jean-Luc Godard aurait lâché cette phrase monstrueuse à son ami et interlocuteur Jean Narboni, ex-rédacteur en chef des Cahiers du cinéma : "Les attentats-suicides des Palestiniens pour parvenir à faire exister un Etat palestinien ressemblent en fin de compte à ce que firent les juifs en se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l'Etat d'Israël." Jean-Luc Godard a reproduit ce type de provocations. En 1974, lorsqu'il fait chevaucher dans Ici et ailleurs une image de Golda Meir, Premier ministre israélien, avec celle d'Adolf Hitler.

Un pro-Palestinien qui lorgnait vers l’antisémitisme

Pro-Palestinien, l'auteur de Bande à part aimait rappeler que, dans les camps nazis, les détenus au seuil de la mort étaient désignés sous le terme de "musulmans". Il entendait faire comprendre que les victimes d'hier sont devenues les bourreaux d'aujourd'hui. Jean-Luc Godard décrivait la Bible comme un "texte trop totalitaire", osant dire à propos de ces juifs qui, selon lui, auraient sauvé Israël en mourant dans les camps : "Au fond, il y a eu six millions de kamikazes."

 Godard « Juif du cinéma » autoproclamé

"Un catholique, je sais ce que c'est : il va à la messe. Mais un juif, je ne sais pas ce que c'est ! Je ne comprends pas !", avait il déclaré dans un entretien. Jean-Luc Godard s'est pourtant autoproclamé "juif du cinéma" pour se voir en cinéaste persécuté. Choqué par les propos antisémites de son grand-père maternel qui riait de son "médecin youpin", il n'a pas trouvé d'autre moyen de comprendre le juif qu'en se considérant "pareil". Comprendre était un bien grand mot ! Sur la question de la Shoah, Godard a toujours accusé les professionnels du cinéma de n'avoir jamais filmé les camps. Il disait "l'image c'est comme une preuve dans un procès", une formule que d'aucuns trouvent à la limite du négationnisme.

La critique de Shoah de Lanzmann

Pour Godard, tout était filmable, même la Shoah, à l’opposé de Claude Lanzmann. Persuadé de l'inadéquation des images avec le sujet inouï, Lanzmann se range à l'avis d'Elie Wiesel, qui craint que le cinéma ne transforme un événement innommable en "phénomène de superficialité".

La question juive : une obsession chez Godard

Godard aimait faire la comparaison avec les malheurs juifs .Ainsi le rappel des catastrophes dans les stades, comme le Heysel, rappelle le Vel d'Hiv dans son film Soigne ta droite. A ne pas oublier non plus ses propos sur Hollywood "inventé par des gangsters juifs", et sur l'invention du cinéma par ces producteurs émigrés d'Europe centrale ayant compris que "faire un film, c'est produire une dette". Souvent antisioniste, parfois carrément antisémite, Godard ne comprendra finalement pas grand chose aux Juifs et à Israël, homme d'image affichant un problème avec la parole écrivait Jean-Luc Douin critique cinéma au journal Le Monde. Michel Zerbib