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Procès de l'attentat de Nice : les parents du tueur n’avaient « vu rien venir », chronique de notre envoyé spécial Michel Zerbib

France.

L’ audition de la famille de Mohamed Lahouaiedj Bouhlel a dessiné le portrait d’un homme agressif et violent. Mais certains membres se demandent encore s’il s’agit bien du fils, du frère ou du parent dans ce massacre. Les familles des victimes sont restées sans réponse et dans le désarroi. La mère du tueur en tunique et voile clair est intervenue après son ex mari. Elle s’est exprimée en arabe : «On n'est pas contents de ce qu'il s'est passé, je suis désolée.» Cette femme divorcée a fait la route depuis M'saken, ville de l'est de la Tunisie, pour être devant la cour d'assises spécialement composée. Tous deux sont les parents de celui qui a semé la mort en massacrant 86 vies sur la Promenade des Anglais, le 14 juillet 2016. Comme la cour ne peut plus le juger, elle espérait avec leur témoignage obtenir des réponses sur son passage à l'acte.

Avant son arrivée en France en 2007, Mohamed Lahouaiej Bouhlel a grandi en Tunisie

Il a été élevé par un père agriculteur et une mère, femme au foyer. Dans la fratrie de 11 enfants, l'aîné des garçons a souvent été à part raconte son père. D’ailleurs à l'adolescence la situation empire , et il devient «agressif et violent», «le reste de la famille l'évitait». À 16 ans, ses parents l'installent dans un studio à l'écart de la maison familiale, sans doute pour préserver le reste de fratrie de sa violence  «Il n'entendait pas ce qu'on lui disait, discutait les ordres, n'obéissait jamais», admet le témoin. Les tensions vont aller grandissantes. Deux scènes très violentes sont narrées par la famille : l'une où il a «donné des coups de couteau dans les portes», la seconde où il a enfermé sa famille à l'intérieur de la maison, la serrure verrouillée par un cadenas. Cette fois ses parents l’avaient conduit  chez le psychiatre. «Tout le monde avait peur de lui», reconnait sa sœur cadette, Rabab, auditionnée dans l'après-midi.

Brutal, impulsif, violent, scatologique (sur sa femme)

CE JEUDI le président Raviot a lu les dépositions de l’ ex épouse du tueur car elle craignait encore de se présenter à la cour .Elle a raconté l’ horrible calvaire que lui a infligé ce mari libidineux , violent physiquement et psychologiquement .Il ira jusqu’à déféquer sur sa femme. Longue énumération des violences commises par cet homme qui disait souffrir. « Il a tenté de se suicider deux fois. Mais il ne supportait pas mon empathie. Elle raconte qu’il a été durement élevé par son père et par une mère esclave». Elle finira par divorcer après une énième violence, une énième scatologie d’un mari qui ne passait sa vie qu’au sport de combat .La cour est effarée par ce portrait effrayant. Certains actes de tortures dit elle encore, auraient du être considérées comme des actes de barbarie . Une violence au delà de l’imaginable. Il jouissait de sa violence et riait avec plaisir de ma souffrance. Des années de mariages et de souffrances étaient considérées comme normales par ses parents. Il lui imposait des relations sexuelles multiples non consenties. Sa femme parle de son envie de suicide « peut être a t il voulu tuer tout le monde pour ne pas rester seul » Religieux ? Jamais «  il a uriné sur moi quand je priais » N’en jetons plus…

L’éducation de ses parents

À travers ces  différents témoignages, Mohamed Lahouaiej Bouhlel apparaît donc comme impulsif, brutal avec ses camarades comme avec ses frères et sœurs.L’éducation autoritaire du père, habitué à lever la main sur ses progénitures. «Quand il commet une grave erreur, ne fait pas quelque chose, je le frappe » Tout le monde frappe ses enfants, mais ça ne laisse pas de trace. Je le punis avec une gifle ou un coup de pied, c'est tout.» Une version confirmée par la mère de famille : «On attend beaucoup du fils aîné. On voulait qu'il devienne un homme.» «Avez-vous déjà été frappée ?», l'interroge alors l'une des assesseures. «Par ma belle-mère oui, elle était difficile.» «Et par votre mari ?» «Non», répond elle à voix basse  essuyant ses larmes dans son voile.

Radicalisé, religieux ? Le père du terroriste en prison à 2 reprises

On apprend que le chauffeur livreur de 31 ans avait fréquenté «pas mal de femmes», dansait la salsa, buvait de l'alcool. «Il disait à papa et maman qu'il faisait le ramadan, mais moi je voyais qu'il trichait», lance sa sœur. Durant son enfance, le terroriste  a été scolarisé trois ans dans une école coranique. Le père du terroriste a également été incarcéré à deux reprises en 1991, sous le régime de Ben Ali, pour des motifs religieux. Mais «il suffisait de porter la barbe ou de faire une prière pour être emmené en prison, plaide le père. Tout le monde dénonçait tout le monde», se justifie-t-il, refusant d'être présenté comme un islamiste radical. «Un musulman oui, mais pas un fanatique comme lui.»

Les parties civiles veulent comprendre son engagement religieux :  Est-il en enfer ou au paradis ?

Les avocats de parties civiles vont aussi poser des questions au père sur son engagement religieux. Me Mouhou, avocat de partie civile lui demande où se trouve son fils maintenant: «S'il est en enfer ou au paradis, je ne sais pas, je ne peux pas savoir, Monsieur.» Dans la salle d'audience c’est la bronca. Le père se tourne vers le président: «Monsieur, je ne veux plus répondre aux questions.» Les avocats ont eu tendance à le mettre sur le banc des accusés…

La sœur et la mère du terroristes « ne veulent pas croire que c’est lui le tueur »

«Pourquoi a-t-il tué tous ces gens ? (…) Pourquoi n'a-t-il pas pensé à ses enfants ?», s’est interrogée à son tour la sœur en arabe. Elle dit se lever souvent la nuit pour regarder les vidéos de l’attentat, et se demander  si son grand frère est le véritable auteur de ce massacre. Elle ne sait pas. La mère du terroriste fait aussi partie des personnes qui n’y croit même si elle ne comprend pas tout dans les questions . Alors une question simple lui est posée. «Avez-vous un doute sur le fait que ce soit lui ?»,demande un avocat de partie civile. «Jusqu'à aujourd'hui je me pose toujours la question», répond la mère. «Ah bah c'est bien lui Madame, la coupe le président. Nous n'avons aucun doute sur son identité. Il y a même des photos de lui, mort dans le camion.» «Je n'arrive pas à assimiler cette idée, cette idée n'arrive pas à entrer dans ma tête», admet elle tristement. «Il n'a rien dit et moi je n'ai rien vu venir.» Michel Zerbib, envoyé spécial de Radio J au procès de l'attentat de Nice

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