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Le témoignage extraordinaire et glaçant d’une mère qui a perdu sa fille, la chronique de notre envoyé spécial Michel Zerbib

France.

« Ma fille a été assassinée deux fois. Une fois par un terroriste, la seconde fois par la médecine légale »…  Anne Gourvès, mère d’Amie, 12 ans, tuée le 14 juillet 2016, a fait résonner jeudi 29 septembre la voix de la colère de parents meurtris et inconsolables au procès de l’attentat de Nice. Pendant deux heures, sans avocat pour la représenter, Anne Gourvès, une institutrice niçoise de 48 ans et mère d’Amie, 12 ans, tuée le 14 juillet 2016 a raconté le calvaire qui continue d’accompagner sa vie depuis l’attentat. Dans une extraordinaire déposition faite sans jamais perdre son calme mais très déterminée, elle a demandé, la première dans ce procès, des comptes à l’institution judiciaire. La médecine légale et la justice seront mises en cause de façon très précise.

Le président comprend sa grande souffrance et sa colère

« J’entends dans votre témoignage une grande souffrance à laquelle je ne peux pas répondre évidemment et j’entends beaucoup de colère aussi », a demandé le président Laurent Raviot à la fin de son témoignage. Des applaudissements à bas bruit de nombreuses parties civiles saluent son intervention impressionnante de calme et d’intelligence « À quelle condition pourriez-vous trouver un apaisement à cette colère ? », l’interroge  le président plein de compassion. « Qu’on me rende les organes de ma fille avec une preuve formelle que ce sont bien ceux de ma fille et qu’ils puissent être inhumés dans le caveau qui a été prévu et qui attend comme un berceau qu’Amie puisse enfin reposer en paix », répond Anne Gourvès.

« Qu’on me rende les organes de ma fille »

Sa demande d’expertise complémentaire à l’aide de test ADN a été refusée par la juge qui a instruit le dossier de l’attentat de Nice. Lors de son audition à la barre, l’ancien parton de l’IML de Nice, Gérald Quatrehomme, s’était abrité derrière « le protocole judiciaire » en vigueur pour les victimes d’attentat pour justifier le prélèvement d’organes. Anne va raconter : « Percutée par le camion-bélier, Amie, 12 ans, semblait juste égratignée quand je l’ai retrouvée étendue sur la chaussée sans blessures apparentes, le visage et les membres intacts. » La fillette meurt peu après son arrivée à l’hôpital. La « percussion thoracique par un véhicule à haute énergie cinétique » est la cause du décès, indiquera l’hôpital… traduction simple: massacrée par un camion.

« Découpée en morceaux »

Cette mère endeuillée n’est pas au bout de sa douleur infinie. Cinq jours après l’attentat, elle pourra enfin voir le corps de son enfant dont le visage s’affiche sur l’écran de la Cour. elle remarque des cicatrices sur la tête, les cuisses, les bras ou encore le thorax de sa fille qui n’existaient pas quand elle a été admise à l’hôpital. Des organes ont été prélevés sur le corps de sa fille « pour suivre le protocole judiciaire », dit-elle dépitée. Les cicatrices d’Amie sont terrifiantes et la petite sœur d’Amie ne sera même pas autorisée à lui dire au revoir. La liste des organes prélevés est bouleversante : cœur, thymus, reins, poumons, pancréas, foie, utérus, ovaires, encéphale, dure-mère, surrénales, bloc cervical, tube digestif… « Pourquoi ? », demande sans pleurer Anne. « Ma fille de 12 ans a été découpée en morceaux », dit-elle. « On se retrouve seul face à la dépouille de son enfant et moi je l’ai vécu comme un deuxième assassinat ». « Personne ne mérite de finir comme ça », dit avec force Anne. « J’ai besoin qu’on me respecte en me disant la vérité, pas qu’on me protège. C’est ma fille qui avait besoin qu’on la protège le 14 juillet 2016 », lâche encore avec émotion Anne Gourvès. « Je dénonce des procédures qui cachent des actes barbares indignes de notre époque […] L’intégrité de nos défunts n’a pas été respectée », conclut-elle. Dans la salle d’audience des parties civiles, un silence et beaucoup d’admiration pour la grande dignité de témoignage qui mériterait d'être publié dans son intégralité. D’ailleurs quand Anne Gourvès regagne sa place beaucoup de gens se lèvent pour venir la saluer, dont l’auteur de ces lignes. Michel Zerbib, envoyé spécial au procès de l'attentat de Nice pour Radio J

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