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"Je ne suis pas un tueur", Salah Abdeslam, la chronique judiciaire de Michel Zerbib

France.

"Je ne suis pas un tueur", Salah Abdeslam, la chronique judiciaire de Michel Zerbib
(Crédit : Twitter)

« Qu’est ce que vous avez à ajouter pour votre défense ? » C’est la traditionnelle question adressée à l’accusé lors d’un procès d’assises, elle a été posée à chacun des accusés dont les trois qui comparaissent libres.
Hier les accusés du 13 Novembre se sont donc levés pour s’adresser à la cour d’assises spécialement composée. Ils ont à la fois présenté leurs excuses et clamé leur innocence. À l’issue de cette audience empreinte de solennité, les neuf magistrats spécialisés se sont retirés pour délibérer. Le verdict est attendu dans la soirée de mercredi.

Salah Abdeslam a été en effet le dernier à prendre la parole. Il s’exprime d’une voix calme. Il dédie ses premiers mots aux quelque 2500 parties civiles constituées: «Je vous ai présenté mes excuses et certains diront qu’elles sont insincères, que c’est une stratégie. Plus de 130 morts, 400 blessés: qui peut présenter des excuses insincères à l’égard de tant de souffrances?» Il s’exprime bien. Quel chemin parcouru par celui qui s’est présenté fièrement au premier jour du procès, le 8 septembre, comme «un combattant de l’État islamique» ! Abdeslam a plaidé son «évolution» depuis le début . Le seul membre du commando terroriste encore en vie parle :de «l’épée» que le parquet national antiterroriste a posée sur son «cou»( en requérant la perpétuité incompressible à son encontre). Et il ose avancer cet argument sans vergogne: «La France perd ses valeurs petit à petit. Elles s’effritent et le parquet l’a prouvé dans ses réquisitions.» Le terroriste jure que «les assassins ne sont pas dans le box». Il conclue, devant une salle comble : «J’ai reconnu que je n’étais pas parfait. J’ai fait des erreurs, mais je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur. Si vous me condamnez pour assassinat, vous commettrez une injustice.» Pas de réactions dans la salle très digne . Je suis dans les bancs des victimes et des familles qui forment depuis quelques mois une petite communauté de douleur et de solidarité.

Comme Abdeslam, la plupart de ces accusés ont adressé leurs dernières prises de parole aux victimes. «Tous les jours, nous avons des regrets. J’ai pu mettre des visages sur les victimes. Ce qui est arrivé est immonde. J’aurais pu arrêter tout ça», reconnait dans la contrition Mohamed Abrini, «l’homme au chapeau». «Vos témoignages m’ont beaucoup touché, je les porterai dans mon cœur jusqu’à la fin de mes jours», a lancé Farid Kharkhach. «Je voulais condamner fermement les attentats et présenter mes excuses aux victimes», a seulement affirmé Mohamed Bakkali, le «logisticien» des attaques. Un peu court…

Il faut admettre que le public n’a pas été hostile à leurs paroles : Ali Oulkadi, Hamza Attou et Abdellah Chouaa, qui comparaissent libres ont même touchés des parties civiles. «J’ai tellement peur que vous fassiez une erreur. Je suis innocent», a juré Abdellah Chouaa, avant de pleurer à la barre : «Que je sois reconnu innocent ou non, je resterai toujours un accusé de ce procès et j’en souffre.» Mais c’est vrai qu’ au fil des mois, ces trois hommes ont tissé des liens étroits avec certaines parties civiles, qu’ils ont tenu à remercier d’être venues à leur rencontre «chaque jour, avant de rentrer à l’audience». Ca les a réconfortés disent ils …Sans doute.

Chouaa est soupçonné d’avoir apporté un soutien logistique à la cellule qui a préparé les attentats. « Franchement je t’en veux Mohamed, t’as détruit ma vie, je sais pas si un jour je te pardonnerai mais j’en souffre », lance-t-il ensuite en s’adressant à Mohamed Abrini qui reconnaît l’avoir impliqué sans lui dire de quoi il retournait. Il pleure.

D’autres accusés ont continué à se comporter comme durant tous ces mois de procès. A l’instar d’un Osama Krayem, ce Suédois soupçonné d’avoir projeté une attaque à l’aéroport d’Amsterdam le soir des attentats de Paris et de Saint-Denis, qui a encore refusé de se lever et n’a rien dit.

Yassine Attar Yassine Attar, le frère d’Oussama Atara (soupçonné d’avoir piloté ces attaques depuis la Syrie et qui n’a jamais été interpellé), a clamé encore son innocence.

«Vous avez montré une dignité énorme. J’espère de tout mon cœur que je n’ai strictement rien à voir avec ces attentats que je condamne. J’ai été emprisonné alors que je suis innocent, et je souhaite être acquitté. Dans quelques jours, mon fils fêtera ses 7 ans, je compte bien les célébrer avec lui car j’ai confiance en la justice. Je n’ai rien à faire dans ce box », finit-il en s’adressant cette fois à la cour.

La dernière déclaration de la journée sera celle du président Jean-Louis Périès, qui a sobrement clôturé cette audience en disant: «Les débats sont désormais terminés.» Rendez-vous mercredi soir si tout va bien.

Ces dix mois intenses, de douleur, de fatigue et de solidarité, ont laissé d’un seul coup place à une sensation de vide vertigineux dans la salle d’audience. Au dehors les journalistes enregistrent les réactions des avocats, des victimes et leurs familles.

Mercredi soir le rideau tombera sur cette cour d’assises spéciale où s’est tenu le plus long procès de l’histoire judiciaire criminelle française d’après-guerre. Un procès qui nous laisse encore bien des mystères. Et qu’on a pas fini de commenter.

https://youtu.be/TUKJOrMJ4Cc

Michel Zerbib

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