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Une crise de la politique, la chronique de Guy Konopnicki

France.

Une crise de la politique, la chronique de Guy Konopnicki
(Crédit : DR)

La crise des institutions de la Vème République devrait d’autant moins surprendre qu’elle n’a pas commencé au soir du second tour des législatives. Depuis vingt ans, chaque échéance est une sanction pour le gouvernement en place.

En 2002, toutes les formations de gauche présentent leur candidat et provoquent l’élimination de Lionel Jospin, alors même qu’elles ont participé à son gouvernement. En 2007, l’UMP, parti construit par Jacques Chirac, élimine les chiraquiens et fait élire Nicolas Sarkozy, mais ce grand parti ne tarde pas à se déchirer et Nicolas Sarkozy est battu en 2012. François Hollande, qui avait reconstruit le PS après la débâcle de Jospin disposait d’un pouvoir inédit : son parti dirigeait la majorité des grandes villes, les deux tiers des départements, vingt régions métropolitaines, il disposait d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale et même d’une courte majorité au Sénat. En cinq ans, François Hollande devint si impopulaire, qu’il renonça à se représenter en 2017… 

En vingt ans, les vents mauvais ont emporté les deux grands partis, UMP et PS, et ils ont fait chuter tous les hommes politiques considérés comme présidentiables. Exit, Lionel Jospin, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Alain Juppé, Ségolène Royal,

François Fillon, Manuel Valls, Martine Aubry, sans même compter ceux qui, comme François Bayrou, se sont maintenus en renonçant à leur ambition, pour servir la génération suivante. Le même phénomène a déraciné des députés, des maires et des présidents de départements et de régions que l’ont croyait solidement ancrés dans les territoires.

De tous les partis qui pesaient sur l’élection présidentielle de 2002, un seul a survécu et connu une progression sensible, au prix d’un ravalement de façade, quand tous les autres se refondent en pure perte, le Front National, devenu Rassemblement National… Et à l’autre bout de l’hémicycle, La France Insoumise domine la gauche, en fédérant en son sein plusieurs courants fort éloigné du rationalisme et de l’humanisme républicains…

Alors, quand, sur toutes les ondes, sur tous les plateaux de télévision j’entends mes confrères se demander comment Emmanuel Macron peut diriger le pays sans majorité parlementaire, je me dis que l’on n’a toujours pas pris la mesure de la crise politique…

Il n’y a pas de majorité au Parlement, c’est vrai, mais il n’y a pas, non plus, une majorité d’électeurs pour élire le Parlement.

Il faut donc diriger le pays, en représentant le tiers des 46% des citoyennes et de citoyens qui ont daigné se rendre aux urnes.

Ce désastre ne doit pas tout aux déceptions de l’électoral populaire, à la vacuité de la politique… Il est aussi l’enfant d’une époque où l’information est atomisée, pulvérisée en permanence sur les téléphones, où l’on ne cherche plus à comprendre les événements à force de recevoir des images et des affirmation péremptoires. 

Saturés d’informations, vraies ou fausses, une majorité de Français ne sait plus où se situer. Les anciens partis avaient bien des défauts, mais ils portaient, chacun, une vision du monde et une part d’histoire de France. Ils avaient des ancrages sociaux ou régionaux, et représentaient, ensemble, la diversité de la France.

Nous avons désormais des marques et des slogans publicitaires. Les chefs des courants politiques sont en fait des icônes, semblables à celle des grandes marques de parfum. Mélenchon, Le Pen, Macron, sont autant de stickers collés sur une attitude électorale. Les postures et les identités se sont substituées aux opinions et aux engagements.

Les bricolages parlementaires permettront peut-être de différer la crise. Mais la démocratie périra si l’on se contente de jouer avec des institutions dont la majorité des Français se désintéressent.

La lassitude politique est plus profonde qu’on ne l’imagine. Emmanuel Macron croyait réveiller l’attention des Français en leur rappelant, par un voyage en Ukraine, que nous vivons une période dangereuse, avec une guerre d’agression aux portes de l’Europe.

Non seulement la majorité des Français répond par l’indifférence, mais ceux qui votent assurent le succès des deux marques dont les icones défendaient Poutine et qui, au Parlement européen, ont voté contre toutes les aides à l’Ukraine.

Ce n’est pas tant l’indifférence à ce point précis de la planète, que l’indifférence au monde, quand ce n’est pas l’hostilité aux engagements de la France. Les gens d’en bas n’entendent plus et ne comprennent plus les dirigeants du pays.

Le pire devient possible.

On trouve, parmi les députés de la France Insoumise et parmi ceux du Rassemblement National, une galaxie de complotiste en tous genres, prenant à contre-pied les choix européens.

Cette Assemblée est l’expression d’un peuple perdu, qui sait plus situer son pays, en Europe et dans le monde.

Les gens éclairés, enfin ceux qui croient l’être, cherchent déjà une nouvelle marque et une nouvelle icone, pour reprendre le marché.

Ils ne semblent pas mesurer le risque d’une déflagration qui peut, demain, emporter la République.

Guy Konopnicki

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