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Ukraine, le crime, le déni et le complot, la chronique de Richard Prasquier

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Ukraine, le crime, le déni et le complot, la chronique de Richard Prasquier
(Crédit : DR)

N’avouez jamais! Avant d’être guillotiné, ce furent les dernières paroles d’un assassin à la fin du XIXe siècle. Son avocat lui avait conseillé d’avouer ses meurtres pour obtenir des circonstances atténuantes. Mauvaise pioche…

Au KGB, Vladimir Poutine a appris que ce conseil était pertinent.
Donc, l’intervention en Ukraine n’a pas entrainé de dommage aux civils. Ce n’est pas une guerre et le représentant de la Russie, qui par mégarde a utilisé ce mot dans son discours au Conseil de Sécurité, risque de le payer par 15 ans de prison à son retour à Moscou, tarif officiel pour une désinformation d’une telle gravité. Non, c’est une opération d’aide à la partie saine du peuple ukrainien persécutée par les néonazis qui se sont emparés du gouvernement de ce pays, qui comme chacun sait, n’existe pas. La Russie, reprenant le combat glorieux contre le nazisme, devra peut-être consacrer une génération tout entière à dénazifier l’Ukraine. C’est l’avis de l’ancien Président russe Dmitri Medvedev, considéré comme un modéré.
Bourcha est donc une mise en scène avec de mauvais acteurs. Les images satellitaires prouvent que le crime a été commis pendant l’occupation de la ville par les Russes, les témoignages se recoupent tous, mais ces documents ne seront jamais accessibles en Russie. Quiconque y émettrait des réserves s’exposerait à la stigmatisation sociale et peut-être à la prison.

Rudy Reichstadt, créateur de Honest Reporting, cite l’historien Alain Besançon: « Staline ne cherche pas à persuader, mais à intimider par un faux si énorme qu’il tire sa force de l’audace avec laquelle il est exposé, car cette audace dénote ce dont le pouvoir est capable »

Cette menace affleure sous le mensonge poutinien. Mais celui-ci trouve aussi des relais volontaires dans nos pays où l’information est pourtant disponible. Certains, souvent parce qu’ils haïssent les Etats Unis, rejettent le discours dominant, ce qui est sans risque en démocratie, car ils aiment être de ceux « à qui on ne la fait pas ». D’autres ne s’engagent pas mais balancent les responsabilités. Instiller le doute est la grande affaire des complotistes et des négationnistes.

Ce n’est pas que l’information de l’autre côté soit toujours véridique, ni que des Ukrainiens n’aient pas commis d’exactions, mais il n’y a pas d’équivalence entre la responsabilité de l’Ukraine et celle, accablante, de la Russie.

Rendre des Ukrainiens responsables des crimes commis en Ukraine, c’est la tactique de renversement de responsabilité, dite du « faux drapeau », dont Poutine a usé au long de sa carrière.

Quand il a fait assassiner ses opposants politiques, on a suggéré que les assassins étaient ses ennemis, la CIA par exemple, qui cherchaient justement à lui attribuer la responsabilité du crime. Sur un postulat analogue, Hani Ramadan insinuait que le Mossad avait commis les assassinats de Ozar Hatorah et son frère, le célèbre Tariq, faisait de même après les assassinats du Musée juif de Bruxelles. La liste est longue et la pratique est ancienne. Les Soviétiques ont assassiné les officiers polonais à Katyn, et ils en ont accusé les Allemands, à peu près le seul crime que les nazis n’aient pas commis au cours de la guerre.

Dénégation et renversement de responsabilité s’accompagnent d’un troisième composant, le complot. C’est en Russie qu’est né en 1903 le plus célèbre faux complotiste de l’histoire, les Protocoles des Sages de Sion, aujourd’hui encore best seller dans certains pays musulmans.

Entre la Okhrana du tsar, la Tchéka de Lenine, le NKVD de Staline, le KGB post stalinien et le FSB actuel, il y a des continuités. Du complot des paysans aisés, les koulaks, à celui des médecins juifs, les blouses blanches, de celui de la fabrication du Sida par l’Occident à celui d’aujourd’hui de la volonté de l’Otan de détruire la Russie, la fabrication de complots a été une des productions russes les plus efficaces, et souvent les plus sanglantes.

Le principe de victimisation préventive autorise tout, puisque il faut empêcher les crimes horribles que l’ennemi ne manquerait pas de commettre. Aux tous premiers jours de la révolution d’Octobre, Lénine écrit au futur chef de la Tchéka: « La bourgeoisie ne recule pas devant le sabotage du ravitaillement, condamnant ainsi des millions d’hommes à la famine. Des mesures exceptionnelles doivent être prises pour lutter contre ces saboteurs contre-révolutionnaires».

Le monde politique n’est pas un paradis d’anges désincarnés, mais la tradition culturelle russe de mensonge et de violence est vraiment lourde …

Richard Prasquier

0025-la-chronique-de-richard-prasquier-07-04-22

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