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Le père du kamikaze français Amimour : je culpabilise, à quel moment ai je failli ? La chronique de Michel Zerbib

France.

Le père du kamikaze français Amimour : je culpabilise, à quel moment ai je failli ? La chronique de Michel Zerbib
(Crédit: Twitter)

Azdyne Amimour c’est ce père qui s’était rendu l’été 2014, en Syrie, pour y tenter de ramener son fils Sammy le futur kamikaze du Bataclan
Avant sa déposition devant la Cour antiterroriste ce vendredi Azdyne
Amimour était connu pour avoir co-écrit un livre. Avec Georges Salines , le père de Lola Azounian , l’une des 90 personnes massacrées au Bataclan .Une démarche d’ailleurs critiquée par certains qui y ont vu une manière commode des parents de tueurs de se dédouaner et du coté des victimes une façon naïve de se reconstruire.

Le président de la Cour , Jean louis Périès va le rappeler plusieurs fois aux témoins et à la cour que ce n’est pas eux que l’on juge. "Ce que l’on veut comprendre, c’est comment votre fils en est arrivé là."

Aux lendemains des massacres du 13 novembre, Azdyne Amimour, son épouse et leur fille Maya avaient été placés en garde à vue. Comment en est on arrivé là ? Ce retraité de 74 ans partageait sa vie entre son travail à Liège (Belgique) et son domicile de Drancy (Seine-Saint-Denis). Il se souvient de son fils né en 1987 « Il a eu une bonne éducation, il a passé son brevet puis son bac, il a entamé des études de droit tout en jouant au football. »
Alors à quel moment bascule-t-il ? L’homme demande vite à s’asseoir sur un chaise: « J’ai été alerté par son changement vestimentaire, davantage que par le fait qu’il aille prier à la mosquée. » "Je me suis dit pourquoi pas , c’est mieux que de devenir dealer". Ensuite, "tout est allé si vite, Internet a-t-il distillé son venin de propagande?" Toujours est-il qu’en septembre 2013, Samy Amimour, 26 ans, part en Syrie faire le Djihad, en mentant à sa famille : « Je vais dans le sud de la France. » Pendant un an , celui-ci garde des contacts via les réseaux sociaux et leur envoie des photos de chatons. "Je ne voulais pas le brusquer … je ne lui ai pas fait la morale, je ne voulais pas qu’il rompe le contact", explique Maya Amimour, sa sœur, témoigne son père. "Avant de réaliser que cette association était liée à Al-Qaida." Idem, le père de famille n’a appris qu’après les attentats, que son fils s’entraînait au tir en France… Sur l’écran de l’ordinateur , Azdyne aperçoit une kalachnikov posée contre le mur du cybercafé d'où lui parle son fils. Sammy lui dit que ce n’est pas à lui , son père se dit rassuré. Mais la cour le questionne dubitative "ce n’est pas fréquent une kazakh dans un café", "vous ne êtes pas inquiété plus que ça ?" "si , un peu", lâche le témoin.

En juin 2014, Azdyne Amimour se décide à partir en Syrie. Il y parvient par la Turquie et un passeur( comme les djihadistes). En France, « ou bien au bled en Algérie, pour le soustraire à la justice française ? », lui demande directement Camille Hennetier, une des trois magistrats du Parquet. Là encore, c’est le flou volontaire ou non. "J’ai passé quatre jours avec mon fils en Syrie, mais on n’a jamais vraiment été seuls pour discuter", poursuit le père. « Je lui posais des questions, mais il ne me répondait pas. Même pas pour m’expliquer comment il avait été blessé. Je pense que mon fils a été lobotomisé par des gens à qui il n’a pas su résister. Ils l’ont tellement impliqué, qu’il n’a pas pu revenir en arrière."

Selon Amimour, "six mois avant, il a coupé toutes les liaisons par Skype avec moi et sa mère. Et il ne nous a jamais dit qu’il était revenu en France ou en Belgique."

Pressé de questions par les deux assesseures du président de la cour, Azdyne Amimour reconnaît que ce n’est qu’en Syrie qu’il a mesuré le danger de la radicalisation de son fils. On était en juin 2014, date de la proclamation du califat par Daech (État islamique). "Lorsqu’un émir m’a dit fièrement que Samy appartenait à la Katiba – le bataillon – des héros, j’ai compris que le pire pouvait arriver."
Mais alors, "pourquoi ne pas être allé voir la police française ou belge dès votre retour en Europe ?", interroge une avocate de victimes du Bataclan. Azdyne Amimour hésite à répondre. D’ailleurs, il avait menti en garde-à-vue, oubliant de signaler qu’il avait passé quatre jours en Syrie en 2014, "par peur d’être davantage inquiété par la police et la justice." Embêtant.

"Le grand frère que j’avais connu en France, pas du tout manipulateur, n’avait rien à voir avec ce qu’il est devenu ensuite en Syrie", déclare Maya, 28 ans, sœur du terroriste, de six ans sa cadette. "Mais je n’ai jamais essayé de le faire revenir, c’était inimaginable. J’avais trop peur qu’il coupe le contact avec moi. Quand mon père travaillait à Liège, ma figure paternelle, c’était Samy. Mais six ans après le 13 novembre, je lui en veux toujours, j’ai honte devant ses victimes , j’ai honte de porter ce nom , il n’y pas de mots", témoigne encore la jeune femme en pleurs. A sa sortie de la salle d’audience, une partie civile viendra même la serrer dans ses bras.

Une autre avocate de la partie civile lui a reproché "d’avoir fermé les yeux à la maison", alors qu’il voyait son fils dériver vers l’islamisme radical. "Je culpabilise souvent, je me demande à quel moment j’ai failli."

Aujourd’hui, cet homme est grand-père d’une petite-fille qu’il n’a jamais vue, et qui vit semble-t-il au Kurdistan. La femme que Samy Amimour avait retrouvée en Syrie, était enceinte de lui au moment du Bataclan.
Azdyne Amimour a réfléchi à un autre voyage en Syrie. Il a appris il y a quelques mois que sa petite-fille était vivante et dans un camp dans le nord du pays. "J'aimerais la retrouver", finit-il à voix basse se disant prêt à repartir pour voir la petite.

https://youtu.be/RlTcekqofRs

Michel Zerbib

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