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Un (mauvais) remake de Philip Roth, la chronique de Guy Konopnicki

France.

Un (mauvais) remake de Philip Roth, la chronique de Guy Konopnicki
(Crédit: DR)

Dans Le Complot contre l’Amérique, roman uchronique de Philip Roth, un fameux aviateur d’extrême-droite remporte l’élection présidentielle contre Franklin Roosevelt… En dépit de son antisémitisme et de ses sympathies pour l’Allemagne nazie, ce président reçoit l’appui d’un rabbin collabo, dont l’action divise les familles juives, comme celle du héros de ce roman…

Lire ou relire Philip Roth me semble plus utile que de chercher une France rêvée chez les disciples de Charles Maurras et de l’Action Française. Les personnages de Philip Roth ressemblent à des figures d’aujourd’hui, à ces juifs qui veulent croire que l’ennemi de leurs ennemis sera demain leur protecteur et que l’antisémitisme de l’extrême-droite n’est qu’un point de détail.

Curieusement, les voici partageant la nostalgie d’une vieille France, où l’on n’avait pas besoin de se cacher derrière un drapeau palestinien pour crier sa haine des juifs. C’était le bon temps, on criait mort aux juifs en français, en bon français, défilant sous les bannières de l’Action Française. On ne criait pas tellement Vive la République, dans ces manifestations, mais surtout Vive la France, d’ailleurs, à l’Action Française, on ne disait pas la République, mais La Gueuse !

La Gueuse avait aboli la monarchie et donné la pleine et entière citoyenneté aux juifs. Elle avait permis à un Dreyfus de devenir capitaine, La Gueuse, avant de faire de Georges Mandel un ministre et de Léon Blum un chef de gouvernement. Pis ! La Gueuse avait donné la citoyenneté française aux juifs indigènes d’Algérie, forcément avec un Crémieux, au ministère de la justice…

En 2021, une foule s’est pressée à Villepinte pour célébrer le retour de cette France-là. Le slogan repris régulièrement par cette foule attestait du déclin de la langue française. « On est chez nous », n’est qu’une version dégradée de La France aux Français, slogan des manifestations nationalistes d’antan… Comme dans le roman de Philip Roth, les bons juifs étaient acceptés, il y en avait même un à la tribune, à la condition de crier on est chez nous, et de communier avec cette vieille France qui savait remettre les juifs à leur place.

C’est qu’ils étaient inassimilables, les juifs, selon l’expression de Jacques Bainville, auteur préféré de Monsieur Zemmour, Bainville, ce fin lettré, ce précurseur qui, bien avant le docteur Goebbels établit un diagnostic sur le poète allemand Heinrich Heine : « c’est l’impureté de son sang, la névrose juive, qui fait de Heine un poète malsain, à déconseiller ». Mais Bainville déconseillait aussi Baudelaire et détestait Beaumarchais.

Oh, la foule de Villepinte se fiche de Bainville, c’est une vieille ficelle des cuistres, de citer les auteurs oubliés, afin de prouver qu’ils ont une culture exceptionnelle.

Il faut cette hauteur pour lâcher : « je veux vous sauver ». Non ! On nous a donc envoyé un sauveur et nous ne voulons pas le reconnaître ? C’est une assez vieille ficelle, fondatrice de l’antisémitisme, ce sauveur que les juifs ne veulent pas reconnaître. La foule, elle, ne réalise pas le grotesque de cette posture. Elle veut un sauveur. Il se fait martyr, on veut le tuer, médiatiquement, politiquement, et même physiquement… Les djihadistes voudraient le tuer. En France, les djihadistes ont tué des libertaires, anticléricaux, adversaires implacables de l’extrême-droite, l’équipe de Charlie, que le journaliste Zemmour détestait, et se gardait bien de soutenir quand elle combattait pour le droit au blasphème. Zemmour qui disait « la fin de Charlie, c’est la fin de la domination de mai 68 ». Merci aux djihadistes… Rien de surprenant. L’extrême-droite germanophobe, considéra la victoire de l’Allemagne nazie comme une divine surprise. L’extrême-droite, qui prospère sur la haine des Arabes, déteste Charlie, qui ose la dérision du Prophète et, dixit Zemmour, respecte les djihadistes, ces gens capables de se sacrifier pour leurs idées. Bien sûr, les djihadistes ne s’embarrassent pas nuances, un attentat peut survenir de manière inattendue. Tout homme politique exposé doit donc bénéficier d’une protection, fournie par les services du ministère de l’Intérieur, ce qui est le cas de Zemmour. Mais il agite une menace parfaitement imaginaire, il n’est pas visé par une fatwa.

Pourquoi jouer au martyr, se prétendre menacé de mort, quand on ne l’est pas plus que n’importe quelle personnalité visible, ou n’importe quel citoyen, car, bien sûr nous sommes tous des cibles potentielles ? Pourquoi ? Parce que tout n’est que mise en scène, des références à l’histoire au spectre de la guerre civile.

Dans le meilleur des cas ce sinistre lancement de campagne aura été un chant du cygne. La droite rassemblée derrière sa candidate semble bien en mesure de renvoyer les deux candidats d’extrême-droite à leurs rêves. Oh, Valérie Pécresse n’est pas mon idéal, je ne suis pas non plus en pâmoison devant Emmanuel Macron, mais au moins s’agit-il de personnalités responsables, et respectueuses des institutions de la République. Pour l’heure, je le regrette, la gauche humaniste, républicaine et réformiste, n’est pas au rendez-vous. Mais on peut espérer que la politique soit de retour, et que le débat remplace enfin les manifestations d’hystérie collective.

Guy Konopnicki

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