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Élection de Mario Vargas Llosa à l’Académie Française, la chronique de Guy Konopnicki

France.

Élection de Mario Vargas Llosa à l’Académie Française, la chronique de Guy Konopnicki
(Crédit: DR)

Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen protestent simultanément contre l’élection de Mario Vargas Llosa à l’Académie Française. De quoi se mêlent-ils ? Depuis quand les politiciens dictent leur loi à une institution qui a bien des défauts, mais qui ne se situe pas dans le champ de leurs compétences ?

Il est certes d’usage que le président de la République reçoive les nouveaux académiciens, il peut même s’opposer à une élection, ce que fit le général De Gaulle, qui refusa l’entrée de Paul Morand, ambassadeur de Vichy, sympathisant déclaré des nazis et antisémite obsessionnel.

Mais sauf cas extrême, en démocratie, les responsables politiques respectent la liberté des écrivains et l’indépendance des institutions culturelles.

Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen convergent donc par leur conception autoritaire et dirigiste de l’action du président de la République. Par le seul fait d’être candidats à cette haute fonction, ils affirment leur volonté de contrôler l’Académie Française et jettent l’anathème sur un écrivain étranger, Mario Vargas Llosa, ami de la France dont il connaît la littérature, mieux que Madame Le Pen et Monsieur Mélenchon.

Le piquant de l’affaire, c’est que celui des deux qui conclut sa protestation par « Pauvre France » n’est pas Marine Le Pen mais Jean-Luc Mélenchon. L’expression, pourtant, fleure bon la vieille droite réactionnaire et elle surprend sous la plume d’un homme d’extrême-gauche.

En vérité, Vargas Llosa est insupportable à l’un et à l’autre. Il a combattu les dictateurs de droite, en Amérique Latine, et bien sûr, au Pérou où il naquit et en Bolivie, où il fut élevé. Un temps séduit par le romantisme révolutionnaire incarné par Fidel Castro et Ernesto Guevarra, Vargas Llosa séjourna à Cuba, où il perdit ses illusions, en assistant à la mise en place d’une dictature policière qui ne pouvait incarner l’alternative aux dictatures qu’il combattait sur le continent latino-américain. L’écrasement du Printemps de Prague, survenu alors qu’il séjournait en Europe, acheva la rupture de Vargas Llosa avec le communisme. Fidel Castro, définitivement aligné sur Moscou, applaudissait les chars de Brejnev.

Mélenchon, admirateur de Castro et de ses successeurs, apporte un soutien inconditionnel du régime de corruption et de clientélisme installé au Venezuela, devenu allié inconditionnel de l’Iran. Ce soutien aux dictatures pétrolières peut surprendre, tant il est en contradiction avec la surenchère écologiste de Mélenchon, mais le leader de LFI veut en finir avec le nucléaire français tout en soutenant les revendications de l’Iran.

Vargas Llosa s’est engagé dans le combat contre toutes les dictatures, et contre les organisations terroristes, qui, comme le Sentier Lumineux au Pérou et les FARC en Colombie, se financent par le trafic de cocaïne.

C’est insupportable pour Mélenchon.

Le candidat de la France Insoumise rejoint Marine Le Pen dans la démagogie nationaliste. Vargas Llosa n’a pas écrit un seul livre en Français. Il a vécu à Paris, parce qu’il rêvait d’étudier à la Sorbonne. Il a enseigné l’espagnol avant de travailler à l’Afp, comme traducteur et comme journaliste. Il a écrit, certes, en espagnol, un essai sur Victor Hugo, lequel avait embrassé la cause des peuples d’Amérique latine, et donné une dimension universelle à lutte pour l’abolition de l’esclavage. Vargas Llosa a également publié une étude sur Flaubert et madame Bovary, il n’a de cesse de faire connaître la littérature française dans le monde hispanique.

L’Académie Française, qui n’a pas toujours brillé par son progressisme, fait, pour une fois, montre d’audace, en refusant de confiner la littérature dans les langues d’écriture. La littérature a une dimension universelle, les écrivains français sont traduits, et la France s’honore d’être le pays qui traduit le plus de romanciers, de poètes et de philosophes du monde entier.

Cette particularité de la France déplait autant à Marine Le Pen qu’à Jean-Luc Mélenchon. La littérature et son enseignement ne s’enferment pas dans le domaine francophone, les littératures étrangères connaissent des succès de librairie et les écrivains français se firent souvent traducteurs d’auteurs étrangers, de Baudelaire, pour Edgar Allan Poe, à Alexandre Vialatte pour Kafka. Nombre d’écrivains sont plus connus en France que dans leurs pays d’origine, ainsi de Faulkner et de Henry Miller, comme de Borges et de Vargas Llosa. 

Paris fut la capitale mondiale des lettres, où l’on vit, entre autres, Heinrich Heine, Rainer Maria Rilke, James Joyce, Georges Orwell, Ernest Hemingway, Scott Fitzgerald, Stefan Zweig, Vladimir Nabokov, Victor Serge, et tant d’autres. Les écrivains français ne viennent pas tous du terroir, Eugène Ionesco, Tristan Tzara, Joseph Kessel, Romain Gary, Georges Perec et bien d’autres en attestent…

Certes, contrairement à Pouchkine et Tolstoï, Vargas Llosa n’a pas écrit en français, mais il relit avec soin ses traductions françaises.

L’Académie Française reconnaît le caractère cosmopolite de la scène littéraire française, on peut comprendre que cela déplaise à une extrême-droite enfermée dans un nationalisme étriqué. Jean-Luc Mélenchon quant à lui jette le masque, en poussant ce « pauvre France », parlant d’un pays ouvert à toutes les littératures du monde. Son internationalisme se limite à l’admiration des régimes totalitaires, à son allégeance à divers dictateurs et à ses appels à la conciliation avec la Russie, la Chine, l’Iran et la Syrie de Bachar Al Assad. Mais il dit non à Mario Vargas Llosa…

N'en déplaise à Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et au troisième larron désormais candidat, la France, c’est Joséphine Baker au Panthéon et Mario Vargas Llosa à l’Académie Française. 

La France, patrie des Lumières, comme celles que nous allumons en ce moment.

Bonnes fêtes de Hanouka !

Guy Konopnicki

053-konopniki-011221

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