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Désinformation dans les médias, lien avec la Torah, la chronique de Stéphane Attal

Désinformation dans les médias, lien avec la Torah, la chronique de Stéphane Attal
(Crédit: DR)

Dans sa chronique hebdomadaire sur Radio J mardi 1er juin à 7h10, Stéphane Attal, communiquant et auteur du livre Influencer c’est la communication d’aujourd’hui, est revenu sur les liens entre la désinformation dans les médias et les récits bibliques.

En 2018, à la même époque a été votée une loi dont l’objet n’est  pas la lutte contre les "fausses informations" mais "contre la manipulation de  l’information" en période pré-électorale. La question est plus large : est-il même possible d’imaginer une objectivité dans  le domaine de l’information? Et encore plus dans la jungle des réseaux sociaux? Finalement c’est comme ce qui se passe dans l’élection du grand rabbin de  France : à force de rumeurs et de coups bas c’est celui qui a le plus confiance en D.ieu et en lui même qui finira par l’emporter, laissant ses adversaires se répandre dans le caniveau qu’ils ont contribué à pourrir. 

400 ans après la promesse faite à Abraham, D.ieu va enfin faire entrer les  enfants d’Israël en Terre de Canaan. A la veille de la réalisation de ce rêve  ancestral, le peuple demande d’envoyer des espions pour explorer le pays. Ceux-ci reçoivent une feuille de route de Moché et ils doivent examiner  plusieurs points relatifs à la conquête. Et c’est ce qu’ils vont faire. A leur retour,  ils font leur rapport.

Et c’est là que les choses tournent mal. Avec Chela’h lekha on atteint le point de non-retour dans la vie des enfants  d’Israël sortis d’Egypte. Cette paracha est célèbre car elle raconte la faute des explorateurs. En quoi les Explorateurs ont-ils eu tort? Alors qu’ils étaient mandatés pour  espionner le pays et dire ce qu’ils y avaient vu? Est ce qu’ils auraient du mentir et dire à Moché ce qu’il avait envie d’entendre? A tout cela, Nahmanide répond que tant qu’ils s’en tiennent aux faits, il n’y a aucun reproche à leur faire. Mais dans la réalité, il est très difficile de ne s’en tenir qu’aux faits. Nous le  voyons dans les médias. Même un présentateur météo n’est pas neutre. Les phrases ne sont jamais tournées de manière anodine, que ce soit  intentionnel ou pas. Il y a toujours une part de subjectivité.

Les mots sont importants, il y en a qui en font même un métier. Et bien, mon  interprétation c’est que, à cause d’un seul mot les explorateurs sont devenus  des Influenceurs. Sur les 12 explorateurs, 10 montrent leur subjectivité très rapidement par un  mot: "efess". Le texte dit : "Et ils lui firent ce récit: 'Nous sommes entrés dans le pays où tu nous avais  envoyés; oui, vraiment, il ruisselle de lait et de miel, et voici de ses fruits.  Mais ('efess') il est puissant le peuple qui habite ce pays! Puis, les villes sont  fortifiées et très grandes, et même nous y avons vu des descendants d’Anak!" (Bamidbar XIII, 27-28 ) Il était normal que les explorateurs décrivent le pays, sa terre, ses villes et ses habitants. 

Mais, nous dit Nahmanide, par "efess" (littéralement "nul"), ils disent: il  est totalement impossible de le conquérir!  Pire: par ce petit mot, ils passent du statut de rapporteur d’information à celui  de conseiller. A celui, donc, d’Influenceur. 

Les explorateurs ont glissé du champ de leurs compétences et se sont permis  d’interpréter et de donner un verdict… C’est là la très lourde faute qu’ils commettent : Désormais, tout ce qu’ils disent  est teinté de leur jugement pessimiste… Mais, est-il interdit de dire la vérité que l’on perçoit? Doit-on museler tout  avis négatif? Ce n’est pas très démocratique… 

En fait, ce que beaucoup de commentateurs reprochent aux Explorateurs, ce  n’est pas tant ce qu’ils ont dit que comment ils l’ont dit.  La critique, quelle qu’elle soit, quand elle est faite par amour et avec amour, se passe de publicité et du bruit médiatique. Parce que le peuple, lui, n’y voit que du feu et suit le mouvement. Il est prêt à se laisser manipuler par une opinion très orientée. La Torah se garde bien cependant de charger uniquement les désinformateurs. Quand la sanction va s’abattre, c’est toute la génération qui va payer. Parce qu’on ne considère pas le peuple comme une malheureuse victime de la  manipulation, on ne l’exonère pas de sa responsabilité.

Puis l’influence des extrêmes se fait puissante et prend de l’ampleur, cela  devient une tradition familiale et on en arrive à Korah la semaine prochaine qui  fut le premier des populistes.  Donc on voit bien le parallèle avec notre époque : Quand le doute s’installe, les  extrêmes s’en prennent aux chefs, et le peuple est déstabilisé.  

Mais au fait, pour les Explorateurs, quel était le problème avec le fait de  conquérir la Terre d’Israël? On ne peut pas les suspecter de manquer de  confiance en D.ieu, eux qui avaient été choisis pour leur haute valeur morale?!  

Le rabbin jonathan Sacks a évoqué la pyramide de Maslow (celle de l’inversion  des besoins). Sur Chela’h Lekha, avec un concept très intéressant qui théorise bien le  problème des Explorateurs mais aussi, celui qui fait que l’on se met des  barrières nous empêchant de grandir: le complexe de Jonas. Selon Maslow, les  motivations d’une personne résultent de l’insatisfaction de certains de ses  besoins. 

Les travaux de Maslow (1954) permettent de classer les besoins humains par  ordre d’importance en 5 niveaux. Ce classement correspond à l’ordre dans lequel ils apparaissent à l’individu ; la satisfaction des besoins d’un niveau  engendrant les besoins du niveau suivant. L’idée est qu’on ne peut agir sur les motivations "supérieures" d’une personne  qu’à la condition expresse que ses motivations primaires (besoins  physiologiques et de sécurité) soient satisfaites. 

Les besoins physiologiques, Les besoins de sécurité, Les besoins  d’appartenance, Les besoins d’estime, Les besoins d’auto-accomplissement. Et LE Rabbin Sacks applique cette théorie à la Paracha. Il s’agit bien de notre Jonas de la haftara du même nom qu’on lit à Kippour,  qui décide de fuir à la dernière minute, se croyant incapable de réussir ou  plutôt, ayant trop peur de réussir.  

On reste dans notre zone de confort, alors qu’on sait au fond de nous que l’on peut réussir… Et on finit par s’installer dans une certaine médiocrité et un auto sabotage qui nous détruisent. La clé pour réussir et prendre confiance en soi c’est, nous explique le Rabbi de Loubavitch, avoir conscience que D.ieu ne nous demande rien que nous ne  soyons à même de réaliser. 

Les forces et les ressources sont déjà en nous, à nous de les chercher et de les laisser s’exprimer. Les Explorateurs résument ainsi piteusement: "Nous étions à nos propres yeux comme des sauterelles, et ainsi étions-nous à leurs yeux." Si nous ne croyons pas en nous et dans la réussite de notre entreprise, nos  interlocuteurs le sentent, le voient et ils nous précipitent vers l’échec. Après le choc de l’annonce de l’implacable punition divine, certains ont été  tentés de conquérir le pays coûte que coûte. Mais ce n’était plus la volonté  divine. Réparer la faute des Explorateurs se fera petit à petit, en reprenant confiance  en soi et en D.ieu par un rappel quotidien de notre histoire, de notre espoir et de nos devoirs.

Stéphane Attal

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