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PORTRAIT. Denise Glaser, une pionnière de la télévision et des interviews

France.

PORTRAIT. Denise Glaser, une pionnière de la télévision et des interviews
(Crédit: INA)

Jeudi 22 avril sur Radio J, Christophe Dard a fait le portrait d’une femme dont le nom n’est pas toujours très connu, notamment chez les plus jeunes. Et pourtant, Denise Glaser a été la première femme à faire carrière à la télévision dans les années soixante. Véritable star du petit écran, à la fois productrice et animatrice, Denise Glaser était célèbre pour ses interviews auprès des plus grands artistes de l'époque dans son émission Discorama. 

Denise Glaser naît en 1920 à Arras, dans une famille de commerçants juifs qui tient un magasin de vêtements et de tissus. Sa mère, Yvonne Stein, est la fille des créateurs du magasin. Son père, Roger Glaser, a été un héros de la Première guerre mondiale. Grièvement blessé, il a reçu la croix de guerre à la fin du conflit. 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les parents de Denise voient leur magasin confisqué par les nazis. L'enseigne devient le siège de l'office allemand qui gère le service du travail obligatoire. La famille se réfugie donc à Clermont Ferrand. Denise rejoint un réseau de résistance communiste et, fait la rencontre d'un couple d'enseignants résistants qui la présenteront plus tard, à un homme puissant au sein de L'Office de radiodiffusion-télévision française, Frédéric Rossif. Denise Glaser restera attachée toute sa vie à ses origines juives, mais également, hantée par la période de l'Occupation et par la Shoah.

En tant que journaliste à la radio, elle rencontre des personnalités qui compteront dans sa future carrière à la télévision. D’abord, l'écrivain, chanteur et musicien Boris Vian, mais aussi Jacques Canetti, le fondateur de la salle mythique de Paris, les Trois Baudets, où ont débuté entre autres Georges Brassens, Jacques Brel, Juliette Greco et Serge Gainsbourg.

Et pour cause, Denise Glaser veut faire une émission pour accueillir les artistes de la chanson et obtient satisfaction à la fin des années cinquante. C'est la naissance de Discorama. 

À l'époque, la télévision en est à ses balbutiements, il n'y a qu'une chaîne en noir et blanc qui n'émet que le soir. Alors que c’est un luxe dans les foyers, l'essor est rapide et tout le monde est convaincu que le petit écran est l'avenir. Pour faire de l’audience, il faut donc des animateurs, des journalistes et des concepts novateurs surtout en ce qui concerne le divertissement. Denise Glaser n'a a donc pas de difficultés à imposer son émission, même si elle est présentée par des hommes. À ce moment-là, la France était encore profondément ancrée dans une société patriarcale, il était donc inenvisageable qu’elle la présente. Finalement, en 1963, Denise Glaser y parvient et s’impose sur les écrans tous les dimanches à 12h30. L’émission est culturelle au sens large, avec des sujets sur les beaux-arts, la mode, la littérature, même si le cœur de ce programme reste la musique et les interviews d'artistes.

En 1963, dans le cadre de son émission Discorama, elle diffuse la chanson Nuit et Brouillard de Jean Ferrat qui évoque la déportation vers les camps de la mortÀ l'époque, la Shoah est un sujet sensible. La chanson, à l’origine interdite à la radio, fait de Jean Ferrat un homme qui n'est pas le bienvenu pour ses idées communistes. Alors, à la télévision, devant des millions de téléspectateurs, le choix fait scandale au sein de la très conservatrice Radio Télévision Française. 

Face au pouvoir, sous la présidence du Général De Gaulle et au ministère de l’information, Denise Glaser est menacée de licenciement et sauve sa tête grâce à de nombreux soutiens d'artiste. 

En 1969, elle recommence avec cette fois, Le Métèque de Georges Moustaki. Elle invite l'artiste qui n'a pas encore une grande notoriété et, grâce à la diffusion de la chanson dans DiscoramaLe Métèque devient un tube et lance définitivement la carrière du natif d'Alexandrie. Et c’est à ces artistes peu connu que Denise Glaser s’adresse, comme à l’époque, Brassens, Brel, Ferré, Ferrat, Gainsbourg, Barbara, Claude Nougaro, Henri Salvador… À contrario, elle déteste Johnny Hallyday et Claude François. 

Ce qui plait au public chez Denise Glaser, ce n’est pas uniquement les artistes, mais le style des interviews, où il ne s'agit pas de faire de la promotion mais plutôt d'obtenir des confidences intimes des vedettes de la chanson, un peu comme sur le divan d'un psy. Une évidence justement, puisque Denise Glaser voulait devenir psychiatre dans sa jeunesse. Ces interviews aujourd'hui sont communes, mais à l’époque, elles étaient très modernes. Un face à face, deux chaises et un fond blanc pour décor dans une atmosphère souvent enfumée, de longs moments de silence, de l'émotion et des questions assez originales comme dans cet extrait avec Serge Gainsbourg. 

https://www.youtube.com/watch?v=i1cJEN8xj8M

Denise Glaser règne sur le petit écran jusqu'au début des années soixante-dix. Début de l'année 1975 son émission Discorama est arrêtée du jour au lendemain pour des raisons politiques. En effet, en 1974, Valéry Giscard d'Estaing est élu président de la République et fait éclater l’ORTF en différentes sociétés et chaînes. Denise Glaser, qui incarne le passé, est mise à l'écart par le nouveau pouvoir et ne retrouve pas de travail dans les médias. Cependant, avec l'arrivée de François Mitterrand en 1981, les choses changent, elle qui n'a jamais caché ses sympathies à gauche, fait un timide retour à la télévision. Elle revient sur le petit écran avec une chronique diffusée tard le soir sur FR3, sur ses années Discorama. Début 1983, un possible retour à la télévision est évoqué pour la rentrée de septembre sur TF1, une mensuelle où elle recevrait de jeunes talents. Mais Denise Glaser, grande fumeuse, est atteinte d’un cancer du poumon et meurt en juin 1983, dans la misère et la solitude. Une triste fin pour une pionnière de la télévision. 

https://www.youtube.com/watch?v=kKEioNfGdFQ

Lors de ses obsèques, peu de personnalités seront présentes à l'exception de sa fidèle amie, la chanteuse Barbara. Les deux femmes ont un point commun, elles ont eu la même jeunesse d'enfant caché pendant la guerre et la peur de la déportation. Une complicité que l’on peut entendre dans cette interview en 1970. 

https://youtu.be/QsPQOAZ9sOU

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