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PORTRAIT. Alexei Navalny contre le Kremlin

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PORTRAIT. Alexei Navalny contre le Kremlin
L'opposant russe est sous respirateur pulmonaire artificiel (Crédit: DR)

C’est le dossier qui fait la une de l’actualité internationale depuis maintenant plusieurs jours, même s’il traîne lourdement depuis déjà plusieurs mois. Le célèbre opposant russe Alexeï Navalny serait aujourd’hui "entre la vie et la mort". Pour rappel, l’homme avait arrêté de s’alimenter le 31 mars dernier pour protester contre ses mauvaises conditions de détention. Récap.

Par Ilana Ferhadian

Alexei Navalny, le rebelle

Mais qui est Alexei Navalny ? C'est un avocat, aujourd’hui âgé de 44 ans, fondateur de la Fondation anti-corruption (le FBK), composé de juristes et de militants. Il est donc certainement le journaliste d’investigation le plus talentueux de Russie mais est surtout connu pour son opposition au régime du président Vladimir Poutine.

Depuis des années en effet, il s’acharne à dénoncer les mensonges et les actes de corruption présumés du système russe. Pourquoi ? Car l’homme est profondément marqué par l’histoire de sa famille. Une enfance passée en Ukraine, dans un petit village située à 600m de la centrale nucléaire de Tchernobyl, là où son père est né. Depuis la catastrophe, le petit Alexei Navalny n’a donc jamais oublié les mensonges des autorités soviétiques, et l’exode de sa famille hors de la ville.

Les débuts dans l'engagement politique

Son activité politique commence en 2009, où il devient alors conseiller du gouverneur de l'oblast de Kirov. Il est notamment connu pour être l’auteur du blog Navalny sur LiveJournal et du site Rospil, où il dénonce des faits de corruption en Russie. C’est en fait un peu le Médiapart russe. Alexei Navalny sera par ailleurs surnommé par le magazine Time "l’Erin Brockovich russe", du nom de la militante écologiste américaine. Alexei Navalny sera aussi désigné personnalité de l’année 2009 par le quotidien économique russe Vedomosti. Il faut en effet préciser que c’est justement à cette période qu’il fera éclater de très gros scandales, notamment l’affaire des détournements de fonds de l’entreprise d’énergie Transneft, accusé d’avoir détourné plus de 2,9 milliards d’euros. 

Alexeï Navalny n’a donc pas peur de dire ce qu’il pense. Il s’oppose au pouvoir en place en Russie et à Vladimir Poutine en particulier, qualifiant en février 2011 son parti, Russie unie, de «parti des voleurs et des escrocs». Il contestera d’ailleurs la même année les résultats des élections législatives russes. Pour ça, il sera emprisonné le 5 décembre 2011. À sa sortie de prison le 20 décembre, il appellera les Russes à s’unir contre Vladimir Poutine, afin que celui-ci ne gagne pas l’élection présidentielle de 2012, à laquelle il se dit prêt à participer. L’engouement est tel qu’à l’époque, une manifestation qu’il organise rassemble 120 000 personnes ! La BBC décrit alors Navalny comme étant probablement le seul réel opposant politique face au maître du Kremlin.

Condamnations en série, procès politiques ?

Et c’est à ce moment là, en 2011 que Navalny établit la Fondation anti-corruption. L’année d’après, lors d’une manifestation, il sera arrêté, condamné et incarcéré à nouveau pour désobéissance aux forces de l’ordre. En 2013, Alexei Navalny sera par ailleurs encore une autre fois condamné à 5 ans de camp avec sursis pour détournement présumé de fonds d’une société ; un procès qualifié de "politique" par les Etats-Unis et l’Union Européenne.

Ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre son ambition politique. En 2013, Alexeï Navalny s’impose définitivement dans la politique russe. Il se présente à l’élection municipale de Moscou et obtient environ 30 % des voix. Mais la Russie joue du rôle rebelle de l’opposant, et l’accuse de diverses choses. Par exemple, en février 2014, Navalny sera placé en résidence surveillée pour une durée de 2 mois par un tribunal de Moscou. Il est accusé d’avoir quitté la capitale. Il est ensuite reconnu coupable de diffamation dans une autre affaire. En réalité, ses nombreux séjours en prison sont considérés comme une stratégie délibérée des autorités russes pour isoler Navalny et l'empêcher de s'exprimer publiquement.

Mais malgré les condamnations qui vont suivre (encore vraiment beaucoup d’autres), et si Navalny ne cède sur rien, le bras de fer avec Moscou est difficile. En 2018, Navalny est interdit d’élection présidentielle. Alors, puisqu’on ne lui donne aucun droit de parole, ni sur la scène politique ni à la télévision, et bien le blogueur va créer sa propre émission hebdomadaire : Navalny live. Son objectif : se faire connaître des Russes grâce à Internet. Une des seules choses que le Kremlin peine à contrôler.

Navalny, empoisonné

Mais son cas est surveillé de près. Nous sommes alors le 20 août 2020. Alexei Navalny est dans un avion partant de Sibérie pour rejoindre Moscou quand il se sent subitement mal. L’avion doit atterrir en urgence en raison de la dégradation rapide de son état de santé. Alexeï Navalny est hospitalisé, dans un état grave. Ses proches, et notamment sa porte parole, sur Twitter, affirment alors qu’il a été "empoisonné". Pour les médecins, il s’agit bien aussi d’un empoisonnement. Selon eux, le produit a été absorbé rapidement à travers une boisson chaude. De son côté, Alexis Navalny en est aussi convaincu, d’autant plus qu’il clame avoir déjà été empoisonné dans le passé en prison, par une "matière chimique inconnue".

Deux jours plus tard, Alexeï Navalny, sous coma artificiel, est transféré dans un hôpital spécialisé en Allemagne, une demande de la famille, qui souhaite que l’opposant soit soigné dans un autre pays... que la Russie ! Les tensions sont vives. En tout cas, l’hôpital de Berlin confirmera le diagnostic : Navalny a bien été victime d’un empoisonnement. Au total, trois laboratoires européens ont conclu d’ailleurs à un empoisonnement, précisément par une substance neurotoxique de type Novitchok, un agent innervant développé au 20ème siècle par l'Union soviétique.

Après une longue convalescence, pourtant, Alexeï Navalny n’en démord pas. Il souhaite poursuivre le combat. Il annonce enfin son retour en Russie, et tacle Vladimir Poutine, de qui il n’a visiblement toujours pas peur.
"J’ai survécu. Et maintenant Poutine, qui a donné l’ordre de mon assassinat, dit à ses serviteurs de tout faire pour que je ne rentre pas", c’est ce que déclare Navalny dans une vidéo publiée sur Instagram. Il fallait donc s’y attendre : l’opposant russe est arrêté à son arrivée à l’aéroport de Moscou pour "multiples violations de sa période probatoire".

Navalny incarcéré, en grève de la faim

Navalny est alors condamné à 2 ans et demi de prison pour une affaire de fraude datant de 2014. Une détention jugée là-encore politique par les ONG, et beaucoup de pays occidentaux. Malgré tout, cela fait maintenant 1 mois qu’il réside dans une colonie pénitentiaire réputée très dure, à Pokrov, à 100km de Moscou. Dans une lettre publiée sur son site internet, Navalny révèle être torturé en détention, expliquant être victime de privation de sommeil, par exemple être réveillé huit fois par nuit  par les gardiens.

Face à cette situation, Alexeï Navalny a indiqué avoir cessé de s’alimenter depuis le 31 mars. Il aurait perdu neuf kilos. Il accuse l’administration pénitentiaire de lui refuser l’accès à un médecin et des médicaments alors qu’il souffrirait d’une double hernie discale. Aujourd'hui, ses avocats et son médecin personnel tirent la sonnette d’alarme : Navalny aurait une fonction rénale très altérée, et pourrait subir à tout moment une crise cardiaque. 

Premier pas de la Russie... pression de la communauté internationale

Face à la pression internationale, les autorités carcérales russes ont enfin annoncé hier transférer Alexei Navalny vers un hôpital pour prisonniers. 
De leur côté, les autorités russes jugent son état de santé "satisfaisant", et Navalny recevrait désormais une "thérapie vitaminée". Pour sa part, l’opposant russe a dénoncé des menaces d’alimentation de force.
En tout cas, la pression sur Moscou s’intensifie. La France, l’Allemagne et les États-Unis réclament des soins. "La situation de M. Navalny est très préoccupante", a déclaré ces derniers jours le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian. Même son de cloche pour le président américain Joe Biden qui a jugé "totalement injuste" le sort d’Alexeï Navalny. Washington qui a par ailleurs prévenu que la mort de Navalny aurait des conséquences…

De leur côté, les partisans d'Alexeï Navalny ont annoncé qu'ils prévoyaient ce mercredi 21 avril 2021 d'organiser d'importantes manifestations à travers tout le pays. "Une situation extrême demande des décisions extrêmes", écrivent dans un communiqué les opposants au régime de Vladimir Poutine.

Ilana Ferhadian

https://www.youtube.com/watch?v=6cMFOoGPHIs&t=1s

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